Immortel Gérard Chaliand ? Encore un qu’on aurait aimé cryogéniser ?

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Que choisir dans ce destin immense ? « Écrivain voyageur, poète, aventurier, spécialiste des guerres et de géostratégie », des titres de noblesse à rallonge pour un Grand du royaume de l'esprit. Le public le connaissait pour ses commentaires avisés sur l'actualité internationale ; les experts le citaient pour ses recherches sur les conflits « irréguliers », les rébellions, le terrorisme et la contre-insurrection ; les littéraires encensaient son recueil de vers libres Feu nomade ; les étudiants potassaient ses atlas et ses sommes académiques ; il avait enseigné à l'ENA et à l'École de guerre, mais aussi à Harvard et à Berkeley, aux États-Unis…

Il était plus que cela, explorateur, anthropologue, historien, professeur et mentor, épicurien, compagnon de route de grandes causes, des Kurdes, embrassée dès la première heure. ( réconciliés par cette figure œcuménique, les représentants des factions rivales de ce peuple (35 millions ?) sans État du Moyen-Orient se sont succédé à sa chambre d'hôpital ces derniers mois, avec les proches, amis, fidèles et admirateurs…

sources : Le Point , armenews.com.., Vazken Surmenian

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Gérard Chaliand, né le  à Etterbeek[1] et mort le  à Paris[2], est un géostratège et homme de lettres français.

Il est spécialiste des relations internationales et stratégiques, des conflits armés et surtout des conflits irréguliers (guérillaterrorisme). Ses analyses des insurrections en Asie, en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient, principalement fondées sur son expérience de terrain auprès des forces insurgées, sont publiées dans plus de vingt ouvrages et de nombreux articles de presse.

Gérard Chaliand passe plus de cinq ans comme professeur invité aux États-Unis, à Harvard, UCLA et UC Berkeley. Il travaille de manière autonome tout au long de sa carrière, sans se soucier des perspectives des gouvernements nationaux ni des instituts de recherche. De ce fait, son travail offre un point de vue indépendant sur nombre de conflits majeurs qui marquent les XXe et XXIe siècles. Il est également poète.

Biographie

Jeunesse et études

Gérard Chaliand quitte sa famille à l'âge de 18 ans pour partir explorer l'Algérie. Il échoue au baccalauréat dans un premier temps, mais est admis à l'Institut national des langues et civilisations orientales[3]. Il y étudie les langues et civilisations asiatiques[4].

Il soutient en 1975 une thèse de doctorat de 3e cycle en sociologie politique sur les Révolutions dans le Tiers-monde : mythes et perspectives à l'université Paris-Descartes (Paris-V) sous la direction de Maxime Rodinson[5].

Il se marie avec Juliette Minces, rencontrée à l'INALCO, avec qui il a un fils[4].

Premières activités

Gérard Chaliand prend position dès 1954, après un voyage en Algérie en [1], en faveur de l’indépendance du pays[1]. Il part très jeune faire le tour du monde, et visite tous les continents[4].

Il s'engage auprès des guérillas de décolonisation en tant qu'observateur participant ; durant plus de vingt ans, il côtoie les combattants d’une quinzaine de maquis[1] sur quatre continents (Afrique, Asie, Amérique latine, Europe de l'Est et Caucase), et notamment en Guinée-Bissau portugaise — aux côtés d'Amílcar Cabral (1964, 1966) avec lequel il noue de véritables liens d'amitié —, dans le delta du fleuve Rouge au Nord-Viêt Nam (1967), dans les provinces de Tolima et Huila en Colombie (1968), avec le Fatah, le FPLP et le FDPLP en Jordanie et au Liban (1969-1970), avec le FPLE en Érythrée (1977), au Kurdistan iranien (1980), et trois fois en Afghanistan (entre 1980 et 1982)[6] ; jusqu'en 2000, il va aussi au Haut-Karabagh, au Sri Lanka, et en Irak. Au total, ses recherches l’ont mené dans une soixantaine de pays[7].

Analyste

Dans les années 1970, Gérard Chaliand publie des livres qui connaissent un succès académique certain. Après la sortie de Stratégies de la guérilla (1979), il est invité à donner des cours à l'École nationale d'administration. Il y enseigne de 1980 jusqu'en 1987, puis à l’École de guerre de 1990 à 1995[4].

En 1983, Chaliand lance l'initiative d'un tribunal permanent des peuples sur le génocide arménien, qui se tient à la Sorbonne en 1984[8].

En 1990, étudiant la conquête espagnole de l'Amérique, il rejette la théorie du génocide amérindien et critique Tzvetan Todorov, considérant son analyse comme anachronique. Chaliand estime en effet que « l'intention [de tuer] n'a jamais existé chez les colons désireux d'exploiter une main-d'œuvre servile », que les conquistadors espagnols du XVIe siècle, « naturellement prosélytes », « sont convaincus d'apporter la vraie foi », et que la conquête « s'est déroulée dans des conditions dont nous savons, avec notre expérience coloniale, qu'elles sont classiques »[9].

Son expérience de la guerre, des mouvements de libération, de la guérilla et du terrorisme, réitérée tout au long de sa vie, lui permet de dégager des théories et systèmes proposant des clés d'analyse du fonctionnement des conflits irréguliers. Ses ouvrages de stratégie ou d'analyse, souvent rédigés en collaboration avec d'autres spécialistes, permettent de cerner la nature particulière de la guérilla, ses caractéristiques principales et les modes d'action partagés par tous les groupes se réclamant de cette méthode de combat.

Gérard Chaliand a notamment inventé la notion de « terrorisme publicitaire », dont l'objectif n'est pas tant de provoquer des dommages physiques ou matériels importants chez les adversaires que de placer sur le devant de la scène la cause au nom de laquelle il est mené, afin de rallier les opinions publiques. Par exemple, l’Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie (Asala), qui s'est effondrée lorsqu'elle a abandonné sa stratégie initiale pour des attentats meurtriers et non ciblés. Cette forme s'oppose aux groupes qui voient le terrorisme comme une méthode de combat visant à détruire l'adversaire ou à provoquer la panique dans les populations concernées.

Depuis 1980, Il a régulièrement suivi, sur le terrain, les conflits en Afghanistan, en Syrie et en Irak[10].

Auteur

Gérard Chaliand a également publié des œuvres poétiques (La Marche têtue[1]Feu nomade en 1970[1]), théâtrales ou de littérature enfantine : certaines sont de sa plume, d'autres sont des traductions ou des anthologies. Il participe régulièrement aux expéditions du navire « La Boudeuse », avec Patrice Franceschi.

En 2003, il publie un recueil de textes personnels écrits entre 1978 et 2002 (Mémoire de ma mémoire), histoire familiale et collective, sur le poids que représente « non ce [qu’il a] vécu mais ce dont [il a] hérité, l’écho d’un passé, la partie immergée de [son] histoire. L’amont nocturne de [sa] saga […] dont enfant on [lui] a transmis la tragédie et [qu’il a] voulu oublier ». Son père est en effet un rescapé du génocide arménien[1].

Un film, portrait de Gérard Chaliand à travers la lecture de ses textes les plus personnels, a été réalisé par Alice Ekman en 2023. Intitulé Mémoire Vive, il est disponible en accès libre sur Internet[11].

Distinctions

Publications

Études

  • L'Algérie est-elle socialiste ?, Paris, Maspero, 1964
  • Lutte armée en Afrique, Paris, Maspero, 1967
  • Les paysans du Nord-Vietnam et la guerre, Paris, Maspero, 1968
  • La Résistance palestinienne, Paris, Le Seuil, 1970
  • avec Juliette MincesL'Algérie indépendante, Paris, Maspero, 1972
  • Mythes révolutionnaires du Tiers-monde – Guérillas et socialisme, Paris, Seuil, 1976 (rééd. 1979)
  • (dir.), Les Kurdes et le Kurdistan : la question nationale kurde au Proche-Orient, Paris, F. Maspero, coll. « Petite collection Maspero », 1978 (rééd. 1980 et 1981), 369 p. (ISBN 2-7071-1215-1).
  • Stratégies de la guérilla, Mazarine, 1979 (2e éd., Gallimard, NRF, 1984), recueil de textes p. 71-452
  • L'enjeu africain. Géostratégies des puissances, Paris, Seuil, 1980, 157 p.
  • avec Yves Ternon1915, Le génocide des Arméniens, Bruxelles, Complexe, 1981 (rééd. 1991, 2e éd. 2006)
  • avec Jean-Pierre Rageau, cartographie Catherine Petit, Atlas stratégique. Géopolitique des rapports de forces dans le monde, Paris, Arthème Fayard, 1983 (ISBN 2724220080)
  • Les Faubourgs de l'histoire, Paris, Calmann-Lévy, 1984
  • Le crime de silence, Pais, Flammarion, coll. « Champs », 1984 ; rééd. 2015, éd. L'Archipel.
  • Terrorisme et guérillas, Flammarion, 1985 (2e éd.: Complexe 1987)
  • Repenser le tiers-monde, Bruxelles, Complexe, 1987 (ISBN 9782100759880)
  • Miroirs d'un désastre, la conquête espagnole des Amériques, Plon, 1990 (rééd. : Agora, 1992 ; éd. de l'Aube, 2004)
  • Anthologie mondiale de la stratégieRobert Laffont, 1990, 1993, 2001
  • avec Jean-Pierre Rageau, Atlas des diasporas, Odile Jacob, 1991
  • Le Malheur kurde, Paris, Le Seuil, 1992
  • avec Jean-Pierre Rageau, Atlas des empires, Paris, Payot, 1992
  • avec Michel JanAtlas du nucléaire, civil et militaire, Paris, Payot, 1993
  • Stratégies de la guérilla suivi de Voyage dans vingt ans de guérillas, Payot, 1994
  • Les bâtisseurs d'histoireArléa, 1995
  • Les empires nomades de la Mongolie au Danube. Ve siècle avant Jésus-Christ-XVIe siècle, Paris, Perrin, 1995, 218 p. (2e éd. revue et corrigée, Perrin-Tempus, 2005, 220 p., (ISBN 978226202421-5)
  • Atlas du nouvel ordre mondial, Robert Laffont, 2003
  • avec Patrice Franceschi et Jean-Claude Guilbert, De l'esprit d'aventure, Arthaud, 2003
  • avec Arnaud Blin (dir.), Histoire du terrorisme de l'Antiquité à Al-Qaïda, Paris, Bayard, 2004, 668 p. ; rééd. sous le titre Histoire du terrorisme de l'Antiquité à Daech, Paris, Fayard, 2015, 750 p., traduit en anglais The History of Terrorism. From Antiquity to al Qaeda, University of California Press, 2007, 483 p.
  • Guerres et civilisations. De l'Assyrie à l'époque contemporaine, Odile Jacob, 2005
  • Voyage dans quarante ans de guérillas, Lignes de Repères, 2006
  • L'Amérique en guerreIrak-Afghanistan, Editions du Rocher, 2007
  • Guérillas. Du Vietnam à l'Irak, Hachette Littératures/Pluriel, 2008 (ISBN 9782012793873)
  • Le nouvel art de la guerre, L'Archipel, 2008
  • Les guerres irrégulièresFolio Actuel, 2008
  • avec Jean-Pierre Rageau, Géopolitique des empires, Arthaud, 2010
  • L'impasse afghaneÉditions de l'Aube, 2011
  • avec Michel JanVers un nouvel ordre du monde, Paris, Seuil, 2013
  • Une histoire mondiale de la guerreOdile Jacob, 2014
  • Pourquoi perd-on la guerre? Un nouvel art occidentalOdile Jacob, 2016
  • Terrorisme et politique, Paris, CNRS Éditions, 2017, 64 p.
  • La conquête espagnole de l'Amérique : Miroirs d'un désastre, Pluriel, 2018, 317 p.
  • Des guérillas au reflux de l'Occident, Éditions Passés composés, 2020, 651 p. (ISBN 978-2-3793-3051-3)[15]
  • Le savoir de la peau, mémoires, L'Archipel, 2022, 324 p.
  • Avec Roc Chaliand et Nicolas Rageau, Atlas stratégique – De l'hégémonie au déclin de l'Occident, Autrement, 2022, 160 p.
  • Le Grand Tournant géopolitique, préf. Hubert Védrine, Paris, Les Belles Lettres, 406 p., 2025 (ISBN 9782251456645)

Œuvres littéraires

  • La marche têtue suivie de Feu nomadeÉditions de l'Aube, 1996 (poésie)
  • avec Georges Mattéi, «Slovik le déserteur» in L'Algérie pour théâtre, éditions de l'Aube, 2003 (théâtre)
  • Mémoire de ma mémoire, Julliard, 2003 (récit) ; Éditions Points, 2015
  • L'aventureux, entretiens avec Thierry Garcin, Éditions de l'Aube, 2010 (ISBN 978-2-8159-0076-8)
  • Mémoires : tome 1. La pointe du couteau, Robert Laffont, 2011
  • Feu nomade et autres poèmes, préface de Claude Burgelin, Paris NRF, Gallimard, 2016, 185 p.
  • L'aventure, le choix d'une vie, Éditions Points, 2017, 170 p.
  • Le vent du hasard, Éditions la Mèche lente, 2018, 254 p. Recueil de préfaces, récits et portraits.
  • Aux confins de l'Eldorado : La boudeuse en Amazonie, Éditions Points, 2020, 184 p.

Éditions

  • Ernesto Che Guevara, La Guerre de guérilla et autres textes militaires, avec Juliette Minces, La Découverte, 1961, 2002
  • Poésie populaire des Turcs (bilingue), Presses universitaires de Lyon, 1990
  • Les voix du sacré. Les plus beaux textes des religions disparues, Paris, Robert Laffont, 1992
  • Trésors des récits épiques de l'humanité, Paris, Plon, 1995
  • Anthologie de la poésie populaire kurde, Éditions de l'Aube, 1997 (poésie)
  • Kautilya, Arthasastra, traité politique et militaire, avec François Richard, Le Félin, 1998
  • Mon anthologie universelle de l’amour, Paris, Les Belles Lettres, 464 p., 2023 (ISBN 978-2251454856)

Notes et références

  1. Catherine Simon, « Arpenteur des guerres », Le Monde, 4 septembre 2009, p. 19.
  2. « Gérard Chaliand, écrivain-voyageur, poète, aventurier, spécialiste des guerres et de géostratégie, est mort », Le Monde,‎  (lire en ligne [archive], consulté le )
  3. Jean-René Van der Plaetsen, « Gérard Chaliand, l'aventure pour profession », Le Figaro Magazine,‎ p. 30.
  4. Gérard Chaliand, Le Savoir de la peau, éd. L'Archipel,  (ISBN 978-2-8098-4396-5lire en ligne [archive]).
  5. SUDOC 006271766.
  6. Terrorismes et guérillasp. 17.
  7. Fiche sur Gérard Chaliand] (y compris des interviews) sur le site de l'Association culturelle arménienne de Marne-la-Vallée (ACAM) [archive].
  8. Interview de G. Chaliand [archive] sur le site de l'ACAM.
  9. Gérard Chaliand, Miroirs d'un désastre. Chronique de la conquête de l'Amérique, éd. 2004, p. 303-307.
  10. « Gérard Chaliand : « Nous ne sommes pas en guerre » [archive] », sur revue-ballast.fr (consulté le ).
  11. [vidéo] « MEMOIRE VIVE – Gérard Chaliand [archive] », Mathilde et Rosette, , 18:51 min (consulté le )
  12. Voir sur bg.ambafrance.org. [archive]
  13. Voir sur festivalgeopolitique.com. [archive]
  14. « Palmarès de l'année 2017 [archive] », sur academie-francaise.fr.
  15. Alain Frachon, « « Des guérillas au reflux de l’Occident » : comment l’Europe et les Etats-Unis ont perdu le contrôle », Le Monde,‎  (lire en ligne [archive] Accès payant, consulté le ).

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