Nasser (les prénoms ont été changés) arrive pour la 1ère fois en Turquie.
Perdu, d’un minibus à l’autre, ce cadre de 33 ans, travaillant en Californie et originaire de la région de Racht, au nord de Téhéran, veut aller à Kars (ancienne ville arménienne) , à trois heures de route, où un avion de ligne l’attend pour Istanbul. « Ailleurs, dans les villes plus proches, tout était complet, j’ai pris la dernière place » dit-il.
Sa région n’a pas subi de bombardements, mais la situation n’était « plus possible ». Amed lui se trouvait à Téhéran pour assister à un mariage prévu le 15 juin. « La cérémonie a été maintenue, mais seule la moitié des invités est venue. » Les vols en Iran étant annulés, il a décidé de prendre la route. Sa famille est restée.
Setareh et Sherwin sont sous le choc. Ils viennent directement de Téhéran, dix heures de route en bus, dans les embouteillages et la fournaise.
Après trois jours de bombardements sur la capitale et ses environs, un missile s’est écrasé à quelques mètres de chez eux. C’en était trop. Ils n’ont pas de billet d’avion et ne savent pas encore par quelle ville turque passer, mais ils comptent retourner au Canada, dont ils ont la nationalité. Setareh y a obtenu son diplôme d’infirmière, lui d’ingénieur. « C’est effroyable, on n’a pas de mots pour décrire ce que l’on vient de vivre », dit-elle en montant dans un taxi collectif (dolmouch en turc).
Soleyha ne sait pas combien de temps elle va rester en Turquie : "je sais que les étrangers syriens et iraniens ne sont plus les bienvenus ici, nous sommes devenus un sujet de polarisation et de rejet autant de la part de nombreux Turcs que du gouvernement. L’été dernier, il y a eu trois jours d’attaques contre des réfugiés dans la ville de Kayseri (Césarée en français , elle aussi ancienne ville arménienne) je ne veux pas vivre ça. »
"Ankara va tout faire pour éviter toute nouvelle vague migratoire et maintenir la stabilité dans la région," explique Mahmut Kaçan, avocat à Van (là encore une ville arménienne), connaisseur de la région et spécialiste des questions relatives aux droits humains et aux migrations.
Un autre risque sécuritaire pour Ankara réside dans le renforcement des mouvements kurdes en Iran. Situés aux frontières irakiennes et turques, ces groupes – dont le plus ancien, le Parti démocratique du Kurdistan iranien (PDKI), et le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), branche iranienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) – poursuivent des objectifs séparatistes. Ces mouvements étaient restés très limités, en raison de la forte et autoritaire structure centrale de l’Iran.
Tous ces risques ont été discutés lors des réunions de sécurité, à Ankara, où figuraient les principaux responsables de l’exécutif, du renseignement ainsi que le chef d’état-major des armées. Hakan Fidan a écrit sur son compte X : « Israël, qui a provoqué une tragédie humaine à Gaza, entraîné le Liban dans l’instabilité, vise à envahir la Syrie et cible maintenant l’Iran, doit immédiatement abandonner sa stratégie de déstabilisation de la région. » Et de la frontière turque, aurait-il pu ajouter….
sources : JP D., N.B.