Vaste réseau de corruption …

0
(0)

L’ex-« comptable » d’un mafieux chypriote turc abattu, aux Pays-Bas, après avoir fait des révélations sur un vaste réseau de corruption

Cemil Önal aurait géré les affaires financières de l’homme d’affaires chypriote Halil Falyali, tué en 2022. Quelques semaines avant sa mort, M. Önal a affirmé qu’il craignait d’être assassiné car il possédait des preuves de la corruption de plusieurs hommes proches du pouvoir en Turquie.

Cemil Önal, 41 ans, a été abattu dans l’après-midi du jeudi 1er mai à la terrasse très fréquentée d’un hôtel de Rijswijk, dans la banlieue du sud-est de La Haye. Un homme habillé de noir s’est, selon des témoins, calmement dirigé vers lui pour l’abattre de plusieurs balles avant de prendre la fuite. Cemil Önal avait, auparavant, été incarcéré durant seize mois à la prison d’Alphen aan den Rijn, en Hollande-Méridionale, à la demande des autorités turques qui l’accusaient d’être l’instigateur de la liquidation du chef de la mafia chypriote turque Halil Falyali et de son chauffeur, en 2022.

Il aurait été à la fois le garde du corps et le comptable de ce mafieux qui lui enjoignait de verser de l’argent à des personnalités liées à l’AKP, le Parti de la justice et du développement, au pouvoir en Turquie, et aux dirigeants nationalistes de la République turque de Chypre du Nord (RTCN), sous embargo international et reconnue uniquement par Ankara. Il a évoqué des montants mensuels de 15 millions de dollars.

Etrangement seul au moment des faits

Cemil Önal disposait d’une protection policière, mais était étrangement seul quand il a été tué.. Aucune explication n’a, à ce stade, été livrée quant à l’absence des agents au moment de l’attentat

Dans des entretiens avec des journalistes, quelques semaines avant sa mort, Cemil Önal avait dit qu’il craignait d’être assassiné car il avait des preuves, & des vidéos, sur la corruption de politiciens et d’hommes d’affaires turcs. Ces images auraient été utilisées par Falyali comme chantage à l’égard des bénéficiaires des montants qu’il leur versait.

Depuis son lieu de détention aux Pays-Bas, Cemil Önal avait raconté à des journalistes grecques, maltais et chypriotes, ainsi qu’aux consortiums d’investigation Follow the Money et Organized Crime and Corruption Reporting Project, comment Falyali aurait gagné 80 millions de dollars par mois avec ses sites de paris illégaux. Il leur a également montré des documents émanant de services d’enquête turcs et détaillant la structure d’un réseau multinational piloté depuis la RTCN et, selon Cemil Önal, désormais basé à Dubaï. Les sites de paris seraient enregistrés à Curaçao, un paradis fiscal.

Selon Follow the Money, l’argent collecté était notamment blanchi avec le recrutement sur des réseaux sociaux d’étudiants, de retraités, de femmes au foyer et de personnes à faible revenu qui déposaient de l’argent sale sur leur compte bancaire en échange d’une petite gratification. L’argent était ensuite converti en cryptomonnaies au profit de Falyali et d’une dizaine d’ individus. En 2015, la justice américaine avait enquêté sur Falyali et son frère, soupçonné de blanchiment d’argent du narcotrafic.

 Le chef de la principale formation d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), Özgür Özel a déclaré devant son groupe parlementaire, le 15 avril, à Ankara, que les révélations du « comptable » étaient à prendre au sérieux et menaçaient directement le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan.

Selon le dirigeant kémaliste, il s’agirait de pots-de-vin présumés versés au ministre des affaires étrangères, Hakan Fidan, et à l’ancien premier ministre de Turquie, Binali Yildirim. « Les deux sont impliqués, ainsi que leurs enfants. D’importantes sommes d’argent sont versées sur un compte en Angleterre ».

La veille, le quotidien chypriote turc Bugün Kibris avait publié une partie de l’entretien réalisé avec Cemil Önal. « Au cours de trois jours d’interviews menés aux Pays-Bas sous haute sécurité, Cemil Önal a révélé non seulement les secrets de la famille Falyali, mais aussi ceux des barons, des hommes politiques et de certaines structures de l’Etat qui collaborent avec eux », écrivait le journal le 14 avril. Selon l’article, Cemil Önal avait alors le statut de témoin clé et craignait d’être extradé vers la Turquie.

Machinations des fonctionnaires

D’après Bugün Kibris, il aurait évoqué l’existence de 45 enregistrements qui documentaient les machinations des fonctionnaires du gouvernement et leur collaboration avec la mafia. Les enregistrements et leur contenu auraient même, selon Cemil Önal, suscité l’intérêt au plus haut du pouvoir à Ankara. Ces documents auraient été en possession du chef de la mafia Falyali.

Toujours selon l’ancien garde du corps, un nouvel ambassadeur turc, Ekrem Serim, aurait été nommé en RTCN pour retrouver ces enregistrements et les transmettre à Ankara. « Cependant, Ekrem Serim n’en a livré que 40 à Ankara. Il aurait gardé les cinq autres cassettes », a-t-il affirmé au journal chypriote. Cemil Önal n’a pas précisé s’il détenait une copie de ces bandes manquantes.

Aysemden Akin, rédac-chef de Bugün Kibris (aujourd'hui Chypre) qui a recueilli les témoignages du repenti, a déclaré avoir reçu des menaces de mort dès les premières publications. 

En mai 2021 un autre délinquant turc, Sedat Peker, proche du mouvement ultranationaliste des Loups gris, avait, depuis Dubaï, formulé des accusations contre les milieux de l’AKP et dénoncé leurs liens avec le crime organisé et le narcotrafic. La partie nord de Chypre serait devenue , depuis l’arrivée au pouvoir en 2020 du nationaliste Ersin Tatar, soutenu par Ankara, une des plaques tournantes de la mafia internationale.

sources : Bugün Kibris (Chypre aujourd'hui) , presse néerlandaise, presse d'opposition turque, Follow the Money

Vous avez trouvé ce post utile ?

Cliquez sur une étoile pour l'évaluer !

Note moyenne 0 / 5. Nombre de votes : 0

Soyez le premier à évaluer cet article.

Vous avez trouvé cet article utile ?

Suivez-nous sur les réseaux sociaux !

Suivez-nous !