Petit-fils de Djémal qui (avec Talaat & Enver) a organisé le Génocide des Arméniens

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Étant à Istanbul, dans le cadre de la commémoration des 15 ans de l’assassinat du journaliste arménien Hrant Dink, j’ai eu le privilège de rencontrer le journaliste Hasan Cemal (Djémal).
Dans le passé, j’avais déjà rencontré Hasan Cemal à plusieurs reprises, en France et en Turquie. Rappelons que, Hasan Cemal est le petit-fils de Cemal (Djémal) Pacha, celui qui a organisé et planifié, avec Talaat Pacha et Enver Pacha, le génocide des arméniens dans les années 1915.
Pendant notre long entretien, nous avons échangé nos points de vue sur la situation en Turquie ainsi que sur les relations arméno-turques.
Hasan Cemal est très connu en Turquie. En tant qu’intellectuel, journaliste, écrivain, il n’hésite pas à exprimer ses opinions, ce qui lui vaut l’admiration de certains, mais aussi des poursuites judiciaires parfois…
Hasan Cemal fait partie de ces personnes qui réfléchissent, sont influentes et ont comme but principal la justice, l’égalité et la démocratie. Bref, le bonheur de la population vivant en Turquie.
Cela n’étonnera personne qu’un jour, les chemins de Hasan Cemal et de Hrant Dink se sont croisés. Hasan Cemal raconte son parcours, en ce qui concerne les arméniens, dans un livre écrit en turc et publié en Turquie en 2012. Le titre est courageux : « 1915, le génocide arménien ». Ce livre a été également traduit en français, en anglais et en arménien. Lors de la parution en turc, le livre de Hasan Cemal a été pendant plusieurs mois un des best-sellers en Turquie.
Lors de notre discussion, Hasan Cemal a souligné, qu’au début des années 2000, avec Hrant Dink et plusieurs autres intellectuels, ils ont senti que plusieurs avancées étaient palpables dans le domaine des libertés et de la justice : justice sociale, égalités, évolution de la place des minorités dans le pays.
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Il m’a rappelé le chemin qu’il avait parcouru par rapport aux arméniens. Dans son livre : « 1915, le génocide arménien », il donne des détails à propos de sa démarche. Il est passé de la phase de la négation du génocide arménien à une phase où il a compris qu’il s’était vraiment passé quelque chose en 1915, et que ce quelque chose n’était rien d’autre que des déportations et des massacres planifiés. Jusqu’au jour où il a franchi le pas en déclarant « oui, c’est un génocide ».
Hrant Dink a joué un rôle important dans ce cheminement, comme l’historien Taner Akçam et plusieurs autres intellectuels.
Hasan Cemal a eu l’occasion de donner des conférences aux États-Unis, en France et ailleurs, sur ses convictions concernant le génocide arménien. Parfois, certaines personnes étaient sceptiques quant à la sincérité de Hasan Cemal.
Le 27 septembre 2014, j’étais présent lorsque Hasan Cemal a donné une conférence à Paris, à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Lors des questions, une personne lui a fait la remarque suivante : « Et si en réalité, vous étiez un agent des services secrets turcs, envoyé dans la diaspora arménienne pour la déstabiliser » ?
Avec beaucoup d’humour et de tact, Hasan Cemal est entré dans le jeu de la question posée en faisant la remarque suivante : « supposons que ce que vous dites est vrai, c’est à dire que je suis un agent turc. Partout, je dis et j’écris que, dans les années 1915, la population arménienne a subi un génocide, organisé et perpétré par le gouvernement turc de l’époque, dans le cadre de l’Empire Ottoman. Même si j’étais un agent turc, ce que je ne suis pas, tout ce que j’exprime n’est en réalité que bénéfice pour les Arméniens ».

Durant notre rencontre, cette semaine à Istanbul, Hasan Cemal ne cachait pas sa préoccupation à propos de la situation actuelle en Turquie, dans tous les domaines.
Il a rappelé, bien sûr, l’impasse dans lequel se trouve le procès chargé de révéler les vrais coupables du meurtre de Hrant Dink. Il ne pense pas que, dans l’immédiat, cette affaire puisse progresser sensiblement.
On a abordé l’emprisonnement de l’intellectuel et philanthrope, Osman Kavala. Il avait l’air optimiste sur une libération prochaine. En parlant d’Osman Kavala, je me souviens de l’avoir rencontré pour la première fois, lors des commémorations du génocide arménien, le 24 avril 2014 à Istanbul. C’était l’époque où les autorités turques toléraient de tels rassemblements « Place Taksim » ou ailleurs. Un soir, Osman Kavala avait invité plusieurs dizaines de personnes dans son restaurant. Il y avait des gens de tous horizons. Osman Kavala faisait le tour des tables en saluant les invités. Nous étions un petit groupe de France ; il nous a tenu compagnie un instant. L’un d’entre nous l’a remercié pour tout ce qu’il faisait pour les arméniens. Il nous a regardé avec ses grands yeux et avec un sourire qui en disait long. Sa réponse a été simple : « Je ne fais pas cela que pour vous. Je le fais pour mes enfants afin qu’ils vivent heureux et en paix dans ce beau pays. Je fais cela pour toutes les parties de la société turque afin que notre pays soit libre, juste et démocratique ».
En discutant avec Hasan Cemal, cette semaine, j’ai perçu cette même volonté de considérer l’être humain avec respect. J’ai senti son attachement à son pays, à sa nation, à son peuple. J’ai également senti un amour et un respect pour toutes les composantes de ce pays.
Le dernier sujet que nous avons abordé avec Hasan Cemal était celui du dialogue arméno-turc et d’une possible réconciliation. Ce sujet est très actuel dans le contexte des nouvelles données géopolitiques de la région Caucase/Turquie. Il fera l’objet d’une réflexion ultérieure.
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Ce qui est clair, c’est que Hasan Cemal représente un rayon de soleil dans le brouillard actuel des relations entre turcs et arméniens.
Qui aurait pu imaginer, que le petit-fils du bourreau des arméniens, s’inclinerait un jour, en date du 5 septembre 2008, devant le monument du génocide arménien de Tsidernakabert, à Erévan, la capitale de l’Arménie ?
Qui aurait pu imaginer que ce même Hasan Cemal, non seulement reconnaîtrait la réalité du génocide arménien de 1915, mais aussi demanderait pardon aux arméniens et qu’il s’engagerait sur un chemin de réconciliation entre turcs et arméniens ?
Certainement que ce chemin sera très long.
En 2008, lors de son voyage en Arménie, Hasan Cemal a rencontré à Erévan, Armen Gevorgyan. C’est une rencontre surréaliste. Armen est le petit-fils d’Ardashès Gevorgyan. Ardashès Gevorgyan faisait partie d’un commandos arménien qui a éliminé, en 1922 à Tbilisi (Géorgie) Cemal Pacha, le grand-père de Hasan Cemal.
Il y a eu beaucoup d’émotions lors de cette rencontre. Tout un symbole !
Ainsi, 100 plus tard, nous sommes interpellés par cette fameuse parole : « Tout est possible à celui qui croit ».

Pasteur René Léonian

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sur la photo de la Une  : le génocidaire Djémal ("pacha") & son épouse , le grand-père & la grand-mère de Hasan Cemal (prononcer Hassan Djémal)

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