Depuis le début de l’été,
les autorités russes
promeuvent activement Max,
une « messagerie nationale »
développée par leurs soins.
Elles cherchent ainsi
à évincer les alternatives
étrangères et renforcer
leur contrôle sur le « Runet »,
l’Internet russe.
Depuis le 1er septembre, une
nouvelle icône apparaît par défaut
sur les nouveaux portables et
tablettes vendus en Russie : Max,
une application disponible depuis
mars, qui concrétise la volonté du
président Vladimir Poutine de
constituer une « messagerie natio-
nale », compatible avec sa straté-
gie d’un Internet « souverain ».
Car Max n’est pas une message-
rie comme les autres. Elle est déve-
loppée par VKontakte, le « Face-
book russe ». Ce réseau social,
fondé à l’origine par le créateur de
Telegram Pavel Dourov, est passé
sous le contrôle de proches du pré-
sident Poutine en 2014, puis sous
l’administration directe d’entre-
prises publiques en 2021. De quoi
faire de Max un outil de surveil-lance redoutable,
« Le pouvoir russe cherche à contrô-
ler la vie publique et privée des
Russes. Toutes les données présen-
tes dans Max sont accessibles pour
les agences publiques, des services
secrets aux sociologues. »
Qualifiant leur maison mère
Meta d’« extrémiste », Moscou
a bloqué les réseaux sociaux
Facebook et Instagram au len-
demain du début de l’invasion de
l’Ukraine.Les autorités n’ont pas interdit
tune autre messagerie
appartenant à Meta, le très popu-
laire WhatsApp, utilisé par près de
100 millions de personnes à travers le pays, soit 80 % des Russes
de plus de 12 ans. Mais pour pous-
ser la population à migrer de
WhatsApp ou de Telegram vers
Max, le législateur russe s’active.
À la mi-août, le Roskomnadzor,
l’organe de contrôle de l’Internet
local, a annoncé la limitation des
appels audio et vidéo sur ces deux
messageries, pour
lutter contre les arnaques en ligne.
Leur blocage pur et simple,
évoqué par plusieurs députés pen-
dant l’été, a été écarté
par les autorités. « C’est une posi-
tion de compromis. Nous n’avons
pas abandonné l’idée de bloquer
ces applications, mais nous étu-
dions la réaction de la popula-
tion », a toutefois précisé un
membre de l’administration prési-
dentielle au média indépendant
Vertska. Ces derniers jours, quel-
ques dizaines de personnes ont
manifesté contre cette interdic-
tion dans plusieurs villes russes, à
l’occasion de rassemblements
autorisés par le pouvoir.
En parallèle, les autorités ont de-
mandé aux institutions publiques
et aux députés de communiquer
exclusivement via Max. Depuis
la rentrée, les écoles moscovites
doivent également organiser les
groupes de parents sur cette nou-
velle messagerie. La banque pu-
blique VTB y héberge désormais
ses services bancaires numéri-
ques. Et cela fonctionne : le 4 sep-
tembre, Max avait 30 millions
d’utilisateurs, contre 2 millions
seulement début juillet.
Pendant l’été, les autorités se
sont employées à mettre en avant
les différentes options offertes par
l’application : la possi-
bilité de signer des contrats, de
payer ou prendre
rendez-vous chez le médecin.
« Le pouvoir russe s’inspire de la
Chine, dont il tente de répliquer
les méthodes. C’est le cas avec Max
qui, comme WeChat (plateforme
développée par le Parti commu-
niste chinois en 2012), cumule
une messagerie privée avec des
services publics ou encore de
l’e-commerce ».
Cette promotion tous azimuts
de Max intervient dans un con-
texte d’une restriction des
libertés numériques en Russie . Sur les sujets militaires,
la censure en interne est draco-
nienne. Les autorités la chasse aux VPN (virtual
private network), ces dispositifs
très populaires qui de-
meurent la dernière solution pour
continuer à appeler via WhatsApp
ou pour lire les médias indépen-
dants. Selon Sarkis Darbinyan, un
nombre croissant de ces VPN
seraient rendus inopé-
rants par les services gouverne-
mentaux. De quoi inciter davan-
tage de Russes
à télécharger Max.
Filip Meyer
sources : B.F. , l’avocat
Sarkis Darbinyan, spécialiste des
questions numériques au sein de
RKS Global, une organisation de
défense de la liberté sur Internet :