C’est un événement cinématographique à la fois attendu et symbolique : Spike Lee revient cette année au Festival de Cannes avec Highest 2 Lowest, présenté Hors Compétition, et signe sa sixième participation officielle à la Sélection. Le cinéaste new-yorkais s’attaque cette fois à un monument du cinéma japonais en livrant une relecture contemporaine et engagée d’Entre le ciel et l’enfer (High and Low, 1963), chef-d’œuvre signé Akira Kurosawa.
Dans ce thriller psychologique et social transposé à New-York, Denzel Washington, fidèle collaborateur du réalisateur, incarne un puissant producteur de musique dont la carrière est en déclin. Son monde bascule le jour où il apprend l’enlèvement de son fils — du moins, c’est ce qu’il pense. À travers ce point de départ tendu, Highest 2 Lowest explore les fractures sociales, les abus de pouvoir et la complexité morale d’une société gangrenée par les inégalités, dans la plus pure tradition du cinéma politique de Lee.
Ce nouveau film marque aussi les retrouvailles entre Spike Lee et Denzel Washington, une collaboration emblématique du cinéma afro-américain depuis les années 1990. Le duo avait déjà brillé avec Mo’ Better Blues (1990), Malcolm X (1992), et He Got Game (1998), où Washington livrait des performances d’une intensité rare, entre introspection et engagement social. Avec Inside Man (2006), leur dernier projet commun avant celui-ci, ils avaient démontré leur aisance dans le registre du thriller. Aujourd’hui, ils reprennent le flambeau avec une complicité artistique intacte, nourrie par trente ans de collaboration et d’amitié.
Autour de Denzel Washington, le casting s’annonce aussi audacieux qu’intergénérationnel : Jeffrey Wright, acteur charismatique du théâtre et du grand écran (Westworld, The Batman), donne la réplique à A$AP Rocky, icône du hip-hop et comédien à ses heures (Monster, Zoolander 2). En mêlant visages reconnus et personnalités issues de la culture urbaine, Spike Lee ancre son récit dans une Amérique contemporaine où se croisent argent, musique, racines et violence institutionnelle.
Tourné dans les décors contrastés de l’East River, entre immeubles de luxe et coins sombres de Brighton Beach à Brooklyn, le film s’inscrit visuellement dans une géographie urbaine à double vitesse, symbolique des tensions sociales qu’il dénonce. Lee y déploie une fois de plus son style visuel reconnaissable entre tous : nervosité de la caméra, dialogues tranchants, bande-son militante.
La sélection de Highest 2 Lowest à Cannes résonne comme une continuité naturelle dans la filmographie de Spike Lee, lui qui avait marqué le festival dès 1989 avec Do the Right Thing, fable urbaine et coup de poing sur les tensions raciales à Brooklyn. S’en suivront Jungle Fever (1991), Girl 6 (1996), Ten Minutes Older (2002) et surtout BlacKkKlansman (2018), qui lui valut le Grand Prix du Jury. De film en film, le réalisateur s’est imposé comme l’une des voix les plus percutantes du cinéma mondial, mêlant engagement, mémoire collective et liberté artistique.
HIGHEST 2 LOWEST
Avec Highest 2 Lowest, Spike Lee ne signe pas une simple adaptation, mais une œuvre profondément personnelle, à la fois hommage à Kurosawa et déclaration politique sur l’Amérique d’aujourd’hui. Une manière de rappeler, une fois encore, que le cinéma peut — et doit — interroger son époque.
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