Le photographe Rajak Ohanian : la culture c’est Alakiaz

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N° 127 – AVRIL 2024

HOMMAGE AUX VICTIMES DE 1915
ET À AZNAVOUR, LEUR CHANTRE,

QUI LES A HONORÉES

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Alakyaz – Avril 2024

— Hommage —

Décédé en novembre 2023, Rajak Ohanian a bâti une œuvre
photographique d’un profond humanisme.
Rajak Ohanian (1933-2023). La parenthèse vient de se fermer sur
une vie ; reste l’œuvre. Celle d’un photographe qui aura créé une
œuvre majeure, polysémique, universelle donc. Ce fils de rescapés
du génocide des Arméniens en 1915-1920, né à Lyon, et dont le
père tenait un café à Décines dans la banlieue lyonnaise, embrasse,
après des études musicales, quelques péripéties et aventures, de
Paris à Dakar, la carrière de faiseur d’images. En 1954 il officie
comme photographe de scène des pièces de Roger Planchon.
Cette première expérience, en appelle d’autres, donnant naissance
à de belles amitiés et collaborations avec des figures du théâtre,
de l’opéra, comme Marcel Maréchal, Patrice Chéreau, Jean Dasté,
Armand Gatti. Il mettra fin à cette activité en 1977. Parallèlement,
il bâtit, cliché après cliché, une œuvre dont attestent les quelque
300 000 négatifs qu’il avait classés dans son modeste appartement
du centre de Lyon, ville qu’il ne quitta pas. Il aimait à dire : « Pourquoi
irai-je à Paris ou New York, où, il faudrait se montrer pour travailler
et être reconnu ? J’ai suivi le conseil de Roger Planchon qui prônait
la responsabilité des créateurs de travailler là où ils vivent et d’y
montrer leur travail. Une façon d’être acteur dans notre territoire.»
Cette posture, rejoignait en cela ce que revendiquait Miguel Torga

(« L’universel, c’est le local, moins les murs »). Elle n’empêcha
point le photographe de conquérir l’admiration des quelques
300 « grands » de ce monde dont il fit le portrait (Gaston Bachelard,
Beckett, Bram Van Velde, Orson Wells, Prévert, Roger Vailland) et de
se lier d’amitié avec nombre d’entre eux : Charles Juliet, Jean Dasté,
Antoine Vitez ou Jean-Pierre Vincent.
La valeur travail
Cependant, la fréquentation de ces personnalités mondialement
connues, s’efface rapidement, pour laisser le devant de la scène

aux individus qui composent et bâtissent les sociétés,. Son re-
gard, dès lors se fait sociologique, sans jamais être intrusif. Cette

immense empathie que Rajak Ohanian ressent pour son prochain
trame tout son travail. Sa fréquentation des Gitans de Décines, le

pousse à se rendre, un mois, pendant dix ans, à Saintes-Maries-de-
la-Mer ; cela débouche sur Les Fils du vent en 1968 ; une monogra-
phie en est tirée préfacée par Prévert. Pour son sujet sur le monde

rural, Sainte-Colombe-en Auxois-Portrait d’un village ( 1978), il s’y

installe deux ans. « Les 44 habitants dont le maire étaient d’ac-
cord pour se laisser photographier pendant les travaux, les repas,

LA MÉMOIRE DES ARBRES – RAJAK OHANIAN

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Alakyaz – Avril 2024

— Hommage —

etc. « On m’avait logé dans l’école : un lit, un vieux réfrigérateur »,
aimait-il à se souvenir. Portrait d’une PME (1999), série de photos des
32 ouvriers d’une usine d’impression sur tissu fut réalisé in situ, un
semestre durant. « Je les prenais avec l’accord du patron, pendant
les heures d’atelier. Ayant toujours travaillé en lumière naturelle, j’ai
donc construit une sorte de studio, changeant le fond de tissu, pour
chacun des ouvriers. Cela a pris du temps, mais je suis un laborieux,
je cherche tout le temps », se souvenait-il gratifiant l’interlocuteur de
ce généreux sourire qui ne semblait jamais devoir le quitter. L’œuvre
de Rajak Ohanian transpire, dans chaque détail d’une indéfectible

humanité, qu’il s’agisse de ses déambulations à New York, en Al-
gérie, de son travail monumental intitulé , A Chicago-Portrait d’une

ville, où, inversant le rapport d’une prise en contre-plongée, dévoi-
lant le gigantisme de l’architecture, il braque l’œil sur les passants

anonymes, figurants sans le savoir, les véhicules vus d’en haut, au
fil du hasard, fixant un instant de vie.
La mémoire des génocides
Ses racines, profondément ancrées dans la mémoire arménienne,

transparaissent au fil de ses photographies. « Ces femmes algé-
riennes que j’ai saisies buvant le thé, m’ont rappelé nos mères ar-
méniennes se réunissant chez l’une d’entre elles pour boire le café

et discuter », disait-il à propos de sa série Algérie de 1973. Le cliché,
Tonalité suspendue, fait à Venise en 1982, où sont accrochés sur
une corde des vêtements, lui rappelait « les pendus du génocide

de 1915 ». Parmi les centaines de portraits de personnalités cô-
toyés, tout au long d’une vie, on trouve naturellement des artistes,

des poètes, des cinéastes d’origine arménienne : la comédienne
Isabelle Sadoyan, le poète et résistant Rouben Melik, les réalisateurs
Rouben Mamoulian, Artavazd Pelechian. En 1975, il officie pour la
pièce A A (Arthur Adamov) mise en scène par Roger Planchon au
TNP. L’œuvre qui, peut-être lui tint le plus à cœur, est Alep 1915 .
Témoignages. Il raconte : « En 2005, je me suis rendu à Alep en
[suite de la page 2]

Syrie, et j’y suis retourné trois mois en 2006, pour retrouver l’orphe-
linat où avait été placé mon père durant le génocide. Il en existait

treize à l’époque dans un quartier que m’a fait découvrir un pho-
tographe et archiviste de la communauté arménienne. Il n’en reste

plus aucun. Aujourd’hui on y trouve un terrain de football, une église.
Durant tout ce séjour, j’ai posé mes pas dans ceux de mon père.

Après les exactions commises par les Loups gris (organisation fas-
ciste turque, NDLR), à Lyon, j’ai décidé d’incruster sur les photos des

textes (témoignages, rapports d’ambassades, écrits d’historiens à la
crédibilité reconnue), même si cela gêne la lecture de la photo. J’ai
voulu mettre des mots sur le génocide des Arméniens, et de tous les
génocides. Ce travail je l’ai effectué pour mon père, et pour sauver
de l’oubli la communauté des victimes de la barbarie humaine. »
Rajak Ohanian est avant tout un portraitiste : des êtres humains, des

villes, et même de la nature, comme avec Métamorphoses I (Litto-
ral breton), L’Esprit de la forêt, Ce que racontent les arbres d’Alep.

Les arbres, ces ultimes témoins du passé gravé dans leur écorce.

Le geste, instantané de déclencher l’appareil – il a toujours privi-
légié l’argentique- est précédé d’une réflexion nourrie par une

véritable immersion, des mois et parfois des années, dans la ma-
tière humaine ou naturelle à traiter. Son travail, en noir et blanc, tient

du documentaire sociologique dont il épouse la rigueur : « C'est im-
portant pour moi de passer un moment avec chacun, avec chaque

chose, pour le saisir dans son univers. » La diversité des sujets, chez
lui, ramène toujours à la même volonté de raconter l’histoire des
hommes, enchaînant les thèmes en une symphonie, une ode à

la vie. « Il n'y a pas à rabaisser la joie qu'inspirent les voies nou-
velles mais le vaste champ de la mémoire historique doit nous garder

d'une recherche convulsive de la nouveauté aux dépens du naturel »,
aimait-il à souligner. Si ses photographies ont trouvé leur place
dans nombre de galeries et musées, une rétrospectives serait mieux
à même d’embrasser le travail d’un artiste majeur.

Christian KAZANDJIAN

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Alakyaz – Avril 2024

— Lecture —

T
rop rares sont les romans écrits en
arménien et traduits en français. Une
véritable aubaine lorsqu’ils arrivent sur
les étalages des libraires, une fenêtre
qui s’ouvre pour laisser entrer le vent
d’Arménie…
Voici l’histoire d’un village, niché dans
les montagnes près du lac Sevan. Il reste
ignoré de tous, à l’exception de ceux qui
l’ont fondé ou qui y vivent. Qui sont-ils ?
Rescapés des massacres ottomans, les
villageois sont arrivés dans le plus grand
dénuement, terrorisés par ce qu’ils ont

vécu dans leur première vie. Ils ont trou-
vé refuge à l’ombre des montagnes

grandioses d’Arménie et ont peu à peu

repris le cours de leurs existences fra-
cassées. L’auteure tisse son récit à partir

de trois fils: le village et les villageois, les

éléments naturels et l’Histoire d’un XXe-
siècle mis à distance, qui va, en filigrane,

des massacres de l’Empire ottoman aux
persécutions du régime soviétique.

Le village est le lieu de la dernière chance d’une population mi-
sérable, celui aussi où chacun peut déposer ses souvenirs, sa mé-
moire. La vie quotidienne s’y déroule hors du temps, au rythme

des saisons, suivant des traditions ancestrales. La foi en Dieu

s’accompagne de pratiques magiques, mais la révolte contre l’in-
justice divine est présente également. Cette petite communauté

vivant à l’écart du monde, peut manifester, à l’image de l’huma-
nité tout entière, autant de générosité dans l’entraide que de mé-
fiance, de commérages et de cruauté. Quelques figures émergent

parmi les villageois: Harout, qui a fondé le village avec son oncle,
Nakhchoun, qui porte l’enfant de l’ennemi, Sato, la sage-femme
pleine de savoir-faire, Varso, la conteuse qui déroule avec sagesse
une histoire qui ne s’arrêtera qu’à son dernier souffle… Harout,
en farouche gardien des règles et de la justice accueille, protège,
LE VILLAGE SECRET – Suzanna HARUTYUNYAN
Un souffle d’Arménie dans la littérature

punit. Il est le seul à pouvoir se déplacer
entre le village et le monde extérieur. Le
danger pour la survie du village viendra
de cet extérieur.

La nature est traitée comme un person-
nage à part entière: l’air, les montagnes,

la lumière, les rivières ont leur vie propre,
intense, bienfaitrice ou destructrice. Les
pentes abruptes des montagnes, le lac et
les sentiers escarpés sont là, immuables,
donnant un sentiment de sérénité et de
force. L’Homme est une infime partie du
paysage. Les éléments façonnent les
êtres humains avant que ceux-ci ne s’en

emparent pour tenter d’y planter de nou-
velles racines. Pour les décrire, l’auteure

leur prête souvent des traits de carac-
tères profondément humains.

Ce roman est écrit sur deux registres, à

la fois chronique villageoise et à la ma-
nière d’un conte, dans une langue d’une

grande richesse, pleine de poésie. « Ils
étaient trois au bord de la rivière: le corbeau, le chat et Harout. Le
vent aussi était là mais il avait les pieds liés. » (p.37) Au passage,
saluons la qualité de la traduction qui a su rendre la dureté de la
vie et la beauté des paysages par la force d’images saisissantes.

En plus de sa dimension poétique, le texte fait référence à la my-
thologie, il pose également des questions philosophiques ou mé-
taphysiques. Lorsque les villageois questionnent la conteuse Varso

sur son long récit, elle leur répond: « Je mêle ma part de mensonge
à cette vie qui en est pleine. Qu’est ce que ça change ? » (p. 165)
Longtemps après avoir refermé le livre, nous y pensons encore

en nous demandant si nous n’avons pas laissé échapper un dé-
tail qui donnerait un relief nouveau à notre lecture. Voilà un livre à

l’écriture magnifique qui nous emporte avec délice.

Anahid SAMIKYAN

Éd. Les Argonautes – Traduit par Nazik Melik Hakopian – Thierry, 22 €

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Alakyaz – Avril 2024

— Arménie – Beaux-arts —

Après une longue absence, le
célèbre tableau "Salomé" de
Vardgues Surenyants, trésor de la
peinture arménienne et mondiale,
revient dans la salle d'exposition
de la Pinacothèque nationale

d’Arménie. Surenyants est le fon-
dateur de la peinture historique

nationale,
L
a Galerie nationale d'Arménie
poursuit le projet "Histoire d'une
exposition d’oeuvres restaurées".
Cette année, il s’agit de la restauration du célèbre chef-d'œuvre,
représentant l'image la plus énigmatique de tous les temps,

« Salomé », retirée de l'exposition permanente en 2019 pour res-
tauration. est revenue dans la salle d'exposition de la Galerie na-
tionale d'Arménie.

Le vice-ministre Alfred Kocharyan a rappelé d'importants projets
de rénovation et de réaménagement menés à la Galerie nationale
d'Arménie comme dans d’autres musées depuis 2018: un système
de ventilation, l’ installation d’un poste de contrôle moderne relié à
un système de billetterie unifié et l’embellissement de nombreuses
salles. D'ici la fin de l'année, 9 étages de l'ensemble du musée,

seront remis à neuf. Des peintures de grande valeur, dont « Salo-
mé », sont en cours de restauration. Le vice-ministre a également

évoqué les réalisations récentes: l’adoption de la loi régissant le
domaine des musées et la création du "Fonds de développement
de la culture".
Selon Marina Hakobyan, directrice de la Galerie nationale

d'Arménie, le projet "Histoire d’une exposition d’œuvres restau-
rées" a été lancé en 2021, s'appliquant à quatre autres chefs-
d'œuvre présentés au public. "Au cours de la dernière décennie,

L
e ministre de la Justice de la République
d'Arménie, Grigor Minasyan, et le ministre
de l'Éducation, des Sciences, de la Culture et
des Sports, Zhanna Andreasyan, ont assisté à
l'inauguration de l'exposition consacrée au
120e
anniversaire d'Aram Khatchatryan dans
la salle d'exposition nouvellement ouverte
aux Archives nationales. Le secrétaire général
du ministère de la Justice, Sirvard Gevorgyan,
le directeur des Archives nationales, Artur
Stepanyan, la directrice de la Maison-musée
SALOMÉ, DE VARDGUES SURENYANTS
De nouveau à Yérevan

ARAM KHACHATURIAN
Aux Archives nationales d'Arménie

les expositions de ce genre sont
devenues une tendance muséale
dans différents pays du monde.
Cela donne au visiteur l'occasion
de se familiariser avec le travail
complexe et responsable des

maîtres restaurateurs et d’y partici-
per directement ou indirectement.

"Salomé" est aujourd'hui présentée
au public dans ce cadre. Cette toile
de grande valeur fait partie des
meilleures œuvres d'art du monde
consacrées au thème de Salomé",

a déclaré Marina Hakobyan.
Réalisé en 1907, ce chef-d'œuvre a été transporté de Rome à

Erevan en 1929, et a été installé de manière permanente à la Ga-
lerie nationale d’Arménie avant d’être transférée en 2019, au dé-
partement "Restauration et conservation" de la Galerie nationale.

La restauration a redonné toute sa splendeur à l'une des peintures
les plus remarquables de Vardges Surenyants.

À côté de la toile restaurée, une vidéo d'ensemble et des photogra-
phies du travail accompagnées d’explications, présentent le long

processus de restauration.

Dans la première salle d'exposition, est reproduit un coin de l'ate-
lier de restauration, avec une table de travail , les outils et maté-
riaux nécessaires. Parmi les objets les plus intéressants, un micros-
cope et une lampe à ultraviolets permettent au visiteur d'examiner

lui-même les parties restaurées de l'œuvre. Une copie tactile du
tableau “Salomé” est réalisée pour les malvoyants.

Araksi HARUTYUNYAN

Aram Khatchatourian, Armine Grigoryan, et

d'autres invités ont également assisté à l'événe-
ment.

L'exposition présente à la fois des documents
d'archives récemment découverts sur la vie et
les activités d'Aram Khatchatourian, conservés

dans les fonds des Archives nationales d'Armé-
nie, ainsi que des objets personnels du grand

compositeur, provenant de la Maison-musée
Aram Khatchatourian.

A.H.

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Alakyaz – Avril 2024

— Arménie – archéologie —

Des scientifiques de l'Institut d'archéologie et d'ethnographie de
l'Académie nationale des sciences de la République d'Arménie
et des collègues de l'Université de Münster (Allemagne) ont obtenu
de nouvelles données grâce aux fouilles de la capitale d'Artashat.
Ces découvertes mettent en lumière divers processus culturels,
économiques et politiques qui se sont déroulés dans la capitale de
l'ancienne Arménie, révélant les liens commerciaux étendus de ce
centre célèbre sur la route de la soie et son rôle politique et culturel
au Moyen-Orient.
"Depuis 2018, les collines n°13 et N°17 de l'ancienne capitale

d'Artashat et le site ont été étudiés dans le cadre du projet armé-
no-allemand "Artaxata". Une étude géophysique de 40 hectares

environ du territoire de la ville a été réalisée, après quoi un sanc-
tuaire des II-I siècles av. J.-C., ainsi qu'un certain nombre de com-
plexes résidentiels et de tombes du Ier s. av. J.-C. au Ier s. ap. JC ont

été fouillés sur la colline n° 13.
Le long des pentes nord de la colline, sur environ 0,5 km, ont été
découvertes les fondations massives d'un aqueduc romain, rare
dans notre région. Dans le champ situé au sud de la colline, deux

sections d'un bâtiment public monumental urartéen d'une superfi-
cie de plus de 500 mètres carrés ont pu être étudiées.

Les fouilles de la colline n°17, qui ont débuté en 2023, ont révé-
lé les ruines de complexes industriels et résidentiels du Ier siècle

av. JC . L’étude de ces objets se poursuivra dans un avenir proche",
a déclaré Mkrtich Zardaryan, chef de l'expédition et directeur du
département d'archéologie de l'Arménie ancienne à l'Institut
d'archéologie et d'ethnographie de l'Académie nationale des
Sciences.

L
'Institut d'archéologie et d'ethnographie de l'Académie nationale

des sciences de la République d'Arménie a lancé une plate-
forme académique trilingue (arménien, anglais et russe) intitulée "

Surveillance du patrimoine culturel de l'Artsakh ".
Le groupe "Monitoring of Artsakh Cultural Heritage" et l'équipe
"Monument Watch" créés à l'institut se sont occupés de la collecte
et du traitement des données.

L'objectif principal de la plateforme est de cartographier et d'in-
ventorier le patrimoine culturel immobilier du Haut-Karabakh, les

musées, les centres culturels qui ont été repris par l'Azerbaïdjan. Il

s'agit de déterminer leur état avant la guerre, de surveiller l'état ac-
tuel et de confirmer les changements (destruction, altération, mo-
numents, images, inscriptions, utilisation de nouveaux symboles,

etc.), et de présenter tout cela à la communauté scientifique et
culturelle mondiale.

NOUVELLES FOUILLES À ARTACHAT

PATRIMOINE CULTUREL DE L' ARTSAKH
Depuis 2003, les fouilles du " Quay Quarter ", situé sur la rive de
la rivière Araks, sont en cours et ont permis de découvrir les ruines

d'un temple de style gréco-romain, d'un complexe de bains déco-
rés de mosaïques et de bâtiments résidentiels ornés de fresques.

"Cinq monographies et une centaine d'articles publiés en Arménie

et à l'étranger sont consacrés aux résultats des recherches d'Ar-
tashat. Ses terrains sont constamment détruits par les activités

agricoles, les travaux de construction et l'extraction de sable. Le
flanc de la colline est profondément endommagé par le cimetière
de Khor Virap qui ne cesse de s'étendre. La chasse au trésor, qui

s'est intensifiée ces dernières années, est particulièrement préoc-
cupante, car elle entraîne la destruction constante des quartiers de

la ville ", a déclaré Mkrtich Zardaryan.
Selon lui, une protection adéquate du site d'Artashat devrait
être assurée en incluant son territoire principal, 17 collines et le
champ adjacent dans la réserve archéologique et en effectuant un
contrôle efficace.

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Alakyaz – Avril 2024

— Arménie —

L’ARCHE ET LE CHÂTEAU – de et avec Xavier KUTALIAN
• Théâtre
"La plateforme présente le patrimoine culturel du Haut-Karabakh
depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours : sites anciens, monuments,

mémoriaux, constructions civiles, musées, collections, en les dé-
taillant un par un, sous forme d'articles scientifiques. Selon le

Pr Hamlet Petrosyan, chef du groupe scientifique, docteur en

sciences historiques, la politique de leur appropriation par l'Azer-
baïdjan et des cas spécifiques y sont détaillés; leur évaluation

est donnée en termes de conventions internationales sur la pro-
tection de la culture » Il est à noter qu'en plus de cette plateforme,

les études du groupe " Étude du patrimoine historique et culturel de

l'Artsakh " et de l'équipe " Surveillance des monuments " ont égale-
ment été publiées dans des revues et des manuels internationale-
ment reconnus (Electrum, Patrimoines, Gruyter, Brill).

"Les travaux de recherche de l'équipe dans le domaine de la pré-
servation du patrimoine culturel sont fondés sur des conventions

internationales, des approches théoriques et méthodologiques et

des pratiques. Ils sont innovants, équilibrés et impartiaux, ce qui dé-
termine le haut niveau d'utilisabilité des résultats. L'équipe apporte

un soutien théorique, pratique et informatif au Conseil de sécurité
de la République d'Arménie, au ministère des affaires étrangères
de la République d'Arménie, au ministère de l'éducation, de la
science, de la culture et du sport de la République d'Arménie et

Dans un vieux cahier de notes décou-
vert par hasard dans les archives familiales,

Xavier Kutalian découvre l’incroyable his-
toire d’un orphelinat ayant accueilli des

enfants arméniens rescapés du génocide.
De ce récit, il écrit une pièce qu’il joue,
seul en scène, avec la complicité de Xavier
Lemaître pour la mise en scène.
Dans ce texte, quelques éléments du

contexte historique sont rappelés : le gé-
nocide, la montée du nationalisme en Turquie après la Première

Guerre mondiale, le fléchissement du contrôle franco-britannique
sous le régime de Mustapha Kemal et la menace grandissante
pour les Arméniens qui avaient échappé aux massacres et qui

se se trouvaient encore à Istanbul, leur exil forcé. À travers la cor-
respondance régulière que Mihran Karagueuzian, le fondateur de

l’orphelinat, exilé aux Etats-Unis entretient avec son représentant à
Istanbul, le docteur Tavitian, on découvre comment débute le projet,
sa réalisation, ses difficultés. L’objectif était de donner aux enfants
une éducation et de leur apprendre un métier afin qu’ils puissent

s’intégrer dans la société, quelque soit l’endroit où ils se trouve-
raient.

[suite de la page 6]

à l'Église apostolique d'Arménie", a déclaré le professeur Hamlet

Petrosyan. Selon lui, les structures de protection culturelle et les mé-
dias internationaux et arméniens utilisent souvent les documents

de Monument Watch comme un référence scientifique neutre et
une documentation impartiale des situations.
"Les résultats ont été présentés au Conseil de l'Europe, au bureau
du Conseil de l'Europe à Erevan et à l'ambassade des États-Unis

en Arménie. L'équipe coopère avec un certain nombre d'organi-
sations et de groupes dans ce domaine : " Héritage caucasien ",

" Fondation pour l'étude de l'architecture arménienne ", " Sauver les
monuments arméniens " ", a déclaré Hamlet Petrosyan.
La création de la plateforme a été soutenue par le ministère de
l'éducation, de la science, de la culture et du sport de la République
d'Arménie, la Fondation Ford, la Fondation Gulbenkian, l'Union de
bienfaisance panarménienne et des sponsors individuels.
Araksi HARUTYUNYAN
En janvier dernier, a eu lieu la présentation à l’INALCO, de « Hishtakaran »,
un site similaire de préservation du patrimoine arménien d’Arménie et
d’Artsakh. Alakyaz en avait également rendu compte (n°124 p.2).

L’orphelinat fut fondé sur la rive orientale

d’Istanbul mais dut en partir sous la me-
nace de nouveaux massacres. Commence

alors un long périple jusqu’à son instal-
lation en France en 1924, dans un châ-
teau presque en ruines près de Vendôme.

Malgré les nombreuses difficultés d’ordre

financier, d’insalubrité et d’insécurité, l’or-
phelinat tient jusqu’en 1934, année où il

est détruit par un incendie qui impose un
nouveau départ, cette fois, vers le Liban.
Xavier Kutalian est seul en scène, entouré de quelques objets qui
représentent le départ: une valise, des chaussures , des bougies…
Il joue plusieurs personnages et montre tout son talent dans la
rapidité du passage de l’un l’autre, à l’aide d’un accessoire, du
changement d’ accent, d’une inflexion de la voix, de sa gestuelle.
Il réussit à donner vie à cette histoire qui parle d’humanité et de
transmission avec beaucoup d’émotion et de sincérité.
Bravo ! Souhaitons à la pièce le succès qu’elle mérite !
Anahid SAMIKYAN

Compagnie Les Larrons – Studio Hébertot
78 bis bd des Batignolles 75017 Paris
du 18 mars au 16 avril / les lundis et mardis à19h
réservation: 0142 9313 04

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Alakyaz – Avril 2024

— Cinéma —

Afin de rendre un hommage à deux artistes qui ont marqué leur
époque, l’Ucfaf en collaboration avec l’Association Braquage ont
projeté le 13 mars dernier, deux films de l’ère soviétique. La soirée
a été organisée à la Péniche Anako, « la péniche des peuples et

des cultures du monde ». Elle a réuni une cinquantaine de per-
sonnes dont de nombreux francophones. La projection a été pré-
cédée par une présentation dont le texte est reproduit ci-dessous.

Merci à tous d’être venus. Nous remercions particulièrement
nos amis francophones qui n’ont pas eu peur de se joindre à nous
malgré que le film sur Aram Khatchatourian ne soit pas doublé.
Nous avons parié sur la beauté des images et des extraits musicaux
qui nous plongent dans une ambiance et une culture particulière.
Afin que les non arménophones ne soient pas trop perdus, voici une
petite présentation de ces films.
Notons que cette soirée est née d’une collaboration entre l’Union
culturelle française des Arméniens de France (Ucfaf) et Braquage.

Braquage, crée en 2000, est une association qui propose notam-
ment des programmations de films expérimentaux, des ateliers de

sensibilisation et des conférences. Depuis quelques années, elle
organise des ciné-concerts à la péniche Anako où nous pouvons

regarder les grands classiques du cinéma muet avec un accompa-
gnement musical : piano, contrebasse, percussions. Sébastien ici

présent est le co-fondateur de l’association. Il est cinéaste, confé-
rencier et enseignant à l’université de Paris VIII Vincennes et durant

plusieurs années il fut conférencier à la Cinémathèque Française.

L’Ucfaf créé en 1949 a entretenu dès le début des liens avec l’Armé-
nie. C’est ainsi qu’elle conserve une soixantaine de films datant de

l’époque soviétique. Ceux-ci se présentent en bobines de 16 mm et

35 mm. Les plus anciens remontent aux débuts du cinéma armé-
nien. Nous pouvons mentionner Pepo le premier film sonore armé-
nien dont la musique est précisément composée par Aram Khatcha-
tourian. Le fonds de l’Ucfaf se compose de documentaires et de

fictions dont certains sont des chefs-d’œuvre. Braquage dispose du
matériel de projection pour les films en 16 mm et a d’ores et déjà
pu vérifier l’état de conservation d’un certain nombre d’entre eux.
Les films ont longtemps dormi dans nos locaux et cette soirée est

une avant-première. Nous projetons aujourd’hui deux documen-
taires, le premier de 50 mn est consacré au compositeur, Aram

Khatchatourian, le second de 10 mn au peintre Dimitri Nalban-
dian. Il est en version française. Les deux artistes sont de la même

génération. Ils sont nés respectivement en 1903 et 1906, à Tiflis,
l’actuelle Tbilissi, la capitale de la Géorgie située dans le Caucase.

Tiflis au début du 20e siècle était un centre où il y avait une vie in-
tellectuelle et artistique arménienne très florissante. Khatchatourian

et Nalbandian vont par la suite s’établir à Moscou. Ils ont eu l’occa-
sion de se côtoyer. Ainsi, en 1963, Nalbandian a peint le portrait de

Khatchatourian.

Aram Khatchatourian
Aram Khatchatourian est internationalement connu pour sa

célèbre Danse du sabre tirée de son ballet Gayané mais cette créa-
tion a occulté les autres chefs d’œuvres du compositeur.

Le film de Rouzanna Frangulian s’appuie sur des documents d’ar-
chives, photographies, films, reportages et phonogrammes d’en-
tretiens, en provenance de la Cinémathèque d’Arménie et de la

Maison-musée d’Aram Khatchatourian à Erevan.
Le documentaire débute par une vision très lyrique de l’Arménie,
montagnes, ciels, chutes d’eau, complexes monastiques, sculptures,
rives du lac Sevan, abricotiers en fleurs (l’abricotier étant l’arbre
emblématique de l’Arménie) … en voix off, une récitante déclame
le texte composé à l’occasion par le poète Kevork Emin. Il glorifie

la terre et le chant de l’Arménie d’une façon quasi mystique. N’ou-
blions pas que le pays et ses gens ont échappé à maintes reprises à

l’anéantissement total et tentent de se reconstruire sur un territoire

extrêmement amputé. Kevork Emin situe Khatchatourian dans la li-
gnée de Komitas, prêtre, ethnomusicologue et compositeur qui au

début du XXe
siècle a parcouru le pays arménien et récolté et sauvé

de l’oubli plus de 3000 chants populaires arméniens ou kurdes. De-
puis 2023, la collection des œuvres de Komitas est inscrite au Re-
gistre de la mémoire du Monde de l’Unesco. L’art d’Aram Khatcha-
tourian selon Emin puise également ses racines dans les chants

des ménestrels et des bardes du Caucase des temps anciens et
modernes. Il est également dans la lignée des compositeurs du XIXe
siècle tels que Kara-Murza, Yekmalyan ou Spendiaryan ;

Puis, le film est ponctué par l’interview d’Aram Khatchatourian don-
née en russe (doublée par un acteur) qui relate son enfance, sa

formation, ses maîtres, sa manière de travailler, ses compositions,
les représentations qu’il a données, ses voyages, ses rencontres et
ses nombreux étudiants. Dans une rare séquence on voit l’écrivain
arméno-américain William Saroyan évoquer l’art du compositeur.

Saroyan était un personnage haut en couleur facilement reconnais-
sable à sa grande stature et ses formidables moustaches. A plu-
sieurs reprises l’interview de Khatchatourian est entrecoupée par

la déclamation poétique du texte de Kevork Emin. Le film se clôt
sur le cortège funéraire de Khatchatourian à Erevan en 1978 suivi

PROJECTION À LA PÉNICHE ANAKO
DE DEUX DOCUMENTAIRES
Aram Khatchatourian, de Rouzanna Frangulian (n/b, 50’, arménien)
et le peintre Nalbandian, de B. Choubine (coul., 10’, français)

9

Alakyaz – Avril 2024

d’une déclamation lyrique de Kevork Emin et de vues symbolisant
l’Arménie : le Mont Ararat, la bibliothèque des manuscrits anciens,
le mémorial du génocide avec sa flamme éternelle…
Khatchatourian évoque sa Tiflis natale, sa mère dont on voit un très
beau portrait en costume traditionnel, ses frères et sœur, son père

qui bien que peu instruit était soucieux de donner une bonne édu-
cation à ses enfants. Aram raconte qu’enfant il adorait chanter les

chansons folkloriques. Il était inspiré par les musiciens de rues dont
la ville abondait et par sa mère qui aimait chanter. Il se rend à toutes
les fêtes tenues à Tiflis, aux mariages, partout où s’invitent musique
et danse. Plus loin il explique comment un chant triste que sa mère
lui fredonnait lui avait inspiré sa 2ème symphonie. En 1921, il part
vivre à Moscou chez son frère ainé, directeur artistique du théâtre
n° 2 ce qui lui donne l’occasion de rencontrer de nombreux
artistes et écrivains qui le persuadent de se lancer dans la musique. Il

évoque sa rencontre avec son professeur le compositeur Nicolaï Mias-
koski ; sa fréquentation avec le violoniste de talent Avet Gabrielian qui

lui inspire une partition. Prokofiev séduit par son travail l’encourage.
Longtemps autodidacte, Aram Khatchatourian étudie la musique
assez tardivement. Il ira à l’Académie russe de musique Gnessine,
puis au Conservatoire de Moscou. Les musiques russe et occidentale

l’ont également influencé de sorte que l’œuvre du compositeur dé-
passe la dimension purement nationale et atteint l’universel d’où

son succès. Il finit par égaler des maîtres tels que Chostakovitch
et Prokofiev. Notons au passage que depuis 2013 ses œuvres
figurent au Registre de la Mémoire du Monde de l’Unesco.

Aram évoque les personnages qui l’ont particulièrement impres-
sionné : l’écrivain et musicologue Romain Rolland rencontré chez

Maxime Gorki, le compositeur Romanos Melikian, le violoniste
David Oïstrakh avec qui il a travaillé, l’écrivain Yeghishé Tcharents,
le peintre Mardiros Sarian, Ernest Hemingway qu’il rencontre à
Cuba, Charlie Chaplin. Nous voyons plusieurs photographies de sa
deuxième femme la compositrice Nina Makarova et de leur fils. Il
apparaît en compagnie du pape Jean XXIII et de la reine Elizabeth
de Belgique. Khatchatourian a l’opportunité de pouvoir se produire
à l’étranger : dans les pays de l’Union soviétique mais aussi à
Paris, Cuba, en Egypte, Londres, le Japon, New York, Vienne, Rome…
La visite du Colisée lui inspire son dernier ballet Spartacus qui à
travers ce personnage historique relate la révolte du peuple contre
l’esclavage dont on peut voir quelques extraits.
A l’occasion du 120e

anniversaire du compositeur, les éditions
Armav à Erevan ont publié en anglais un ouvrage sur Aram
Khatchatourian.

https://akhachaturianmuseum.am/2024/02/13/aram-khachatu-
rian-new-edition/

Dimitri Nalbandian

Né à Tiflis comme Khatcha-
tourian, Nalbandian s’établit lui

aussi à Moscou. Il est considéré

comme étant un peintre appar-
tenant au réalisme socialiste.

Il est reconnu comme portrai-
tiste des représentants du par-
ti soviétique tels que Lénine,

Brejnev, Khroutchev… Toutefois

son œuvre s’inscrit plus pro-
fondément dans le sillage des

artistes réalistes russes du XIXe
siècle comme Illya Répine dont
on a pu voir une rétrospective
au Petit Palais en 2021. C’est aussi un dessinateur et un paysagiste
accompli. En 1979, la Mairie du 3e arrondissement a organisé une
exposition sur Dimitri Nalbandian. En 1992, le peintre fait don aux

musées de Moscou d’une grande partie de ses œuvres. Le gouver-
nement crée la Musée-atelier Dimitry-Nalbandian :

https://mmoma.ru/search?searchQuery=nalbandyan
Béatrice Krikorian

[suite de la page 6]

Et la fête continue ! DVD

10

Alakyaz – Avril 2024

— Communauté —

UNE CHALEUREUSE SOIRÉE
EN L’HONNEUR DU PROFESSEUR JEAN-PIERRE MAHÉ

Jeudi 4 avril, l’UCFAF a fêté les 80 ans du Pr Jean-Pierre Mahé, son
président d’honneur. Une cinquantaine de personnes se sont réunies à cette
occasion pour témoigner leur reconnaissance et leur amitié au Professeur, qui

nous permet en maintes occasions de découvrir les richesses de notre his-
toire et de nos textes anciens, Après les mots chaleureux d’Edmond Yanekian,

président de l’UCFAF, et d’Alexis Govciyan, maire adjoint du IXe

arrondissement
de Paris et ancien président du CCAF, le professeur Mahé a parlé de son entrée

dans la langue arménienne comme matière d’études universitaires et com-
ment elle lui a permis d’aller au-delà, d’élargir sa vision du monde, en décou-
vrant l’Arménie et les Arméniens.

Il a exprimé son profond attachement au pays comme à sa population, force
vive porteuse d’espoir d’une nation qui a dû se reconstruire. Notre ami Roupen
Kniasian, professeur de duduk et de shevi à la JAF, a embelli la soirée de
quelques airs traditionnels qui ont réjoui l’assistance.
Bon anniversaire M. Mahé, longue vie et merci pour ce que vous nous
apportez !

Anahid SAMIKYAN

11

Alakyaz – Avril 2024

— Communauté —

La Seconde guerre mondiale : Grèce
En 1930, Artin, Yeranouhi et leurs enfants s’installèrent dans le
quartier Psychiko, au nord d’Athènes. Dès son jeune âge, Onnig
Palandjian s’intéressa à l’affaire familiale, l’aidant à se développer;
il se rendit en Angleterre, Suède, Allemagne, Autriche pour y acheter
des métiers de la marque Jacquard, où ils étaient à la pointe de la
technologie dans ces pays.
Pendant la 2ème Guerre mondiale, quand la Grèce fut occupée par
les forces allemandes, toutes les usines cessèrent de fonctionner,

tous les textiles et les produits de la société Palandjian furent trans-
portés à Psychiko mais les Allemands trouvèrent les productions et

le réquisitionnèrent. Cependant, Onnig réagit durant les années de

guerre et s’engagea dans le commerce de l’or sur les marchés in-
ternationaux, s’assurant de bons bénéfices. Après la fin de la guerre,

les usines grecques ouvrirent et la société Paladjian reprit ses
affaires sous le nom de Palatex qui est encore exploitée.
En décembre 1943, Onnig Palandjan voyagea à Vienne pour y
acheter des métiers à tisser. Là, il rencontra Adriné Takouhi Utudjian

qui pratiquait l’allemand et qui fut recrutée pour superviser la cor-
respondance de la société de tissage avec les usines allemandes.

Pendant les années de guerre, elle était prête à aider tous ceux

qui en avaient besoin à Vienne. Adriné et Onnig tombèrent amou-
reux, ils se marièrent civilement. La guerre continuait, ils décidèrent

d’aller en Grèce, à Psychiko; leur voyage éreintant dura 29 jours.
A la fin 1945, la guerre civile grecque commença et le pays fit face

à une situation extrêmement instable politiquement et sociale-
ment. Onnig décida d’émigrer en Argentine pour y ouvrir une usine

de tissage. À cette époque, beaucoup de Grecs émigraient vers
l’Amérique sud et du nord, surtout en Argentine, et s’installaient à
Buenos-Aires et Montréal. Onnig aussi alla en Argentine alors que
sa famille resta en Grèce. Il voyagea en 1946 mais bientôt, la

vague d’immigration dans ces pays baissa, lorsque leurs gouver-
nements commencèrent à opposer des obstacles aux nouveaux

arrivants. Résultat: les migrants potentiels retournèrent en Grèce et
y retrouvèrent leurs familles. Peu de temps après, Onnig partit pour
Manchester où il passa six mois pour apprendre le fonctionnement
des métiers Jacquard puis retourna en Grèce.
Onnig et Adriné eurent 4 enfants : Artin (né en 1945), Serko (né en

1949), Alice (née en 1953) et Zabel (née en 1966). Artin devint mé-
canicien, spécialisé dans les métiers à tisser, Serko est aujourd’hui

directeur de la société Palatex. La vieille usine fut détruite en 2008,

un autre bâtiment fut construit sur la moitié de la propriété. La so-
ciété fonctionne aujourd’hui avec Alice, responsable des ventes et

Zabel, conseillère des assurances. Artin mourut en 1947, sa femme
Yeranouhi, en 1969.
LES SOUVENIRS DE LA FAMILLE PALANDJIAN [suite 3]

La branche Utudjian : (Van, Constantinople, Roumanie, Vienne,
Hongrie, Bulgarie)
Le grand-père paternel d’Adriné Utudjian, Apraham, alla de Van à
Constantinople à 13 ans; tous les membres de sa famille avaient

été tués sous Abdul Hamid. Il commença par distribuer des jour-
naux, puis, peu à peu, entra dans le monde du journalisme. Malheu-
reusement, les articles qu’il écrivit dans la presse arménienne de

Constantinople n’ont pas été retrouvés.

En 1888, il épousa Takouhi; leur fils Krikor naquit en 1889. Apra-
ham fut arrêté par les autorités ottomanes et disparut. Takouhi fit

tout pour que ses enfants reçoivent la meilleure instruction possible.
Krikor alla à l’école Aramian à Kadikoy. Takouhi mourut alors que
Krikor n’avait que 9 ans! Il était l’un des meilleurs élèves de l’école
et à 14 ans, il parlait couramment turc, anglais, arménien, allemand
et français. Il enseigna dans cette même école, puis en Roumanie
et en Bulgarie.

En 1910, il s’installa à Vienne et enseigna l’histoire et le turc à l’Ins-
titut Berlitz. En 1917, il fut invité au Palais hongrois de Tomasikovo

pour enseigner le turc à la comtesse Marie Esterhazy, femme de
Joseph Palffy-Daum. IL y vécut dans l’opulence mais trouva vite sa
vie monotone et retourna à Vienne pour y enseigner à nouveau.
En décembre 1917, il fut arrêté par la police autrichienne comme
déserteur de l’armée ottomane. On le ramena à Constantinople via
Sofia, mais avec l’aide d’un ami, il échappa à la police et eut un faux
passeport sous le nom d’Aram Utudjian. À Sofia, il travailla dans une
banque allemande, rencontra Zabel Kestanian; ils se marièrent en
1923 et Adriné Takouhi naquit en 1925.
Traduction A. T. MAVIAN, (Récit de la collection Palandjian,
transmis par Houshamadyan) – [Suite au n° 128]

12

Alakyaz – Avril 2024
L
a superbe mezzo-soprano reconnue
pour son immense talent tant vocal que
scénique poursuit une très belle carrière à
travers la planète lyrique. Elle se produira
en soliste au sein du quatuor vocal de la

Missa Solemnis de Beethoven le 23 avril pro-
chain sur la scène de la prestigieuse salle

Pierre Boulez de la Philharmonie. Sous la
direction du brillant chef Jérémie Rhorer à

la tête de son orchestre Le Cercle de l’Har-
monie, le concert réunira l’excellent chœur

allemand Audi Jugendchorakademie et les
solistes Christiane Karg, soprano ; Vardhui
Abrahamyan, mezzo-soprano ; Daniel Behle,
ténor ; Trek Nazmi, basse.
La Missa Solemnis, un chef-d’œuvre sacré
La Missa solemnis, en ré majeur, opus 123 ou Messe solennelle,
était considérée par Ludwig van Beethoven lui-même comme « sa
meilleure œuvre, son plus grand ouvrage ». Composée entre 1818
et 1823, publiée en avril 1827 et dédiée à son élève l'archiduc
Rodolphe, cette pièce majeure occupe une place essentielle dans
le répertoire sacré dans la lignée de la Messe en si mineur de
Bach ou du Requiem de Mozart. Si Beethoven n’a pas manifesté
dans sa pratique un grand engagement religieux, toute sa musique

est imprégnée d’une haute et profonde spiritualité. Dans le réper-
toire des oeuvres sacrées de Beethoven, cette messe a succédé à

l'oratorio Le Christ au Mont des Oliviers (1801) et à la Messe en
ut majeur (1807).
La Missa Solemnis est d’une ampleur imposante, sa composition a
exigé un travail considérable de la part de Beethoven qui au cours
des années qui ont précédé sa composition et pendant même le

travail d’écriture a connu des circonstances d’existence éprou-
vantes. La surdité s’est installée, des difficultés matérielles liées à

la vie quotidienne, des tracas familiaux, des soucis professionnels

et la maladie sont survenus comme un frein qui entrave sa puis-
sance créatrice.

A la fin du printemps 1818, la nomination de son élève et ami

l’archiduc Rodolphe comme archevêque, incite Beethoven à com-
poser une œuvre religieuse pour son intronisation le 19 mars 1820.

« Le jour où la Grand-Messe composée par moi sera exécutée du-
rant les cérémonies célébrant Votre Altesse Impériale, sera pour

moi le plus glorieux de ma vie, et Dieu m'inspirera de sorte que

mon faible talent contribuera à donner plus de lustre à cette solen-
nité », écrit Beethoven à l’Archiduc en juin 1819. Les dimensions

monumentales que prend la Missa Solemnis exigent près de cinq
VARDHUI ABRAHAMYAN
à la Philharmonie de Paris

années de labeur acharné. Ce n'est que le 19

mars 1823[2] que Beethoven envoie la parti-
tion à l'archiduc, bien après son intronisation

qui eut lieu le 20 mars 1820. Il faut surtout
avoir présent à l’esprit que Beethoven a écrit
la Missa solemnis parce qu'il éprouvait sans
doute la nécessité intérieure de concentrer
son imaginaire musical sur un thème sacré
tel que le déroulement de la liturgie le permet
et interroger le sens de la condition humaine
vouée à la mort.
Le message de la Missa Solemnis

La partition joint à un ample orchestre sym-
phonique un chœur et un quatuor vocal. Un

dialogue fascinant s’instaure entre le chœur
et les voix solistes qui se produisent à tour de rôle pour célébrer le
texte sacré.
En entrée, l’ample et majestueux Kyrie, prière liturgique qui invite le
croyant à implorer la miséricorde divine, est suivi par le Gloria qui,
par ses appels puissants confiés au chœur et aux solistes, clame
la gloire de Dieu porteur et garant de la paix sur Terre. Avec le
Credo, le chrétien ému éprouve avec gravité l’étrange sentiment
de pénétrer dans « une vraie cathédrale », la grandiose maison
de Dieu, où s’exprime la foi qui s’impose comme une évidence au

cœur de chacun. Le Sanctus, moment du mystère de la Consécra-
tion accorde à l'officiant le temps de consacrer le pain et le vin.

Le geste de l’élévation est habité d’une tension d’un mysticisme
intense que Beethoven traduit en musique avec son génie propre

et puissant. Il confie le Præludium à la vaste polyphonie orches-
trale puis au violon solo qui permet le passage vers le Benedictus

qui apporte apaisement et sérénité à l’âme réconciliée. Pour clore

la messe, l’Agnus dei est un appel ardent adressé à l’Agneau di-
vin pour lui demander avec ferveur d’accorder au croyant la paix,

« paix intérieure » et « paix extérieure », précise Beethoven. La foi
en un Dieu de bonté et de pardon dont l’amour illumine l’existence

du chrétien est célébrée et magnifiée par chaque étape du dérou-
lement de la messe.

Marguerite Haladjian

Concert le 23 avril, 20h
Philharmonie de Paris, Grande salle Pierre Boulez
221 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris
Réservation : 01 44 84 44 84 ou sur le site Philharmoniedeparis.fr

13

Alakyaz – Avril 2024

PARIS – ÎLE-DE-FRANCE
CONCERTS
• Vendredi 19 avril – 20h30 – Chants d'exil et de lamentation :
1915-2024 avec Virginia et Aram Kerovpyan

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
• Mardi 23 avril -18h30 Assemblée Générale de l’UCFAF IDF
Centre culturel UCFAF-JAF 6 Cité du Wauxhall – 75010 Paris
L'ANACRA VOUS CONVIE A LA COMMÉMORATION
DU 109e
ANNIVERSAIRE DU GÉNOCIDE DES ARMÉNIENS
DE 1915
• Samedi 20 avril – A partir de 17h – Rassemblement à l'angle de
la rue Balzac et l'avenue des Champs Elysées (75008 Paris)
– Puis à 18h30 – Ravivage de la Flamme du Soldat Inconnu sous
l'Arc de Triomphe.
En présence de l’Ambassade d’Arménie et des autorités civiles,
militaires et religieuses. (voir p.14)
• Mercredi 24 avril – à la mairie du Xe

, devant le monument aux

morts, dans le hall
• Mercredi 24 avril – 11h à Antony (92) devant l’Aigle d’Arménie,
dans le domaine du Parc de Sceaux (entrée la Grenouillère)
• Jeudi 25 avril – 18h à Asnières
• Samedi 27 avril – 18h30 à Choisy-le-Roi au parc de la mairie
• Samedi 27 avril – 11h 30 à Meudon
• Samedi 27 avril – 17h à Clamart devant le khatchkar,
place du génocide des Arméniens, avenue H. Barbusse
• Dimanche 28 avril à Chaville (à l’issue de la messe dominicale)
• Samedi 4 mai -11h à Courbevoie
• Mercredi 24 avril – 17h à Clichy – Place Charles Aznavour
(anciennement place du 24 avril 1915)
Commémoration ANACRA : Margny-lès-Compiègne
• Samedi 25 mai, Départ à 9h ; Porte de St Cloud
Cérémonie à 11h
Départ de Compiègne aux alentours de 16 h 30
MANIFESTATIONS CULTURELLES cueillies par Alakyaz à partir du 15 avril 2024
MARSEILLE
CONCERT
• Dimanche 2 juin 2024 – 20h30 – Ensemble Araxe
Palais des congrés – Parc Chanot – 13001 Marseille
Tarif unique : 25€
CONFÉRENCE
ARMÉNIE-AZERBAÏDJAN / UNE GUERRE SANS FIN ?
• Vendredi 19 avril – 19 h, Maison arménienne de la jeunesse
de lacustre, Marseille (voir publicité)
VOYAGE EN ARMÉNIE
• Du 29 juin au 6 juillet – Etude et tourisme – Fonds arménien
Départ de Paris ou de Marseille le samedi 29 juin

NOUVELLE AQUITAINE
CONCERT

• Lundi 22 avril – 19h30 – “L'âme d'Arménie” Trio Nazani à Pau
Chants lyriques à capella – Organisé par Le Mouvement arménien
Église Saint Bernadette
10 boulevard du Corps-Franc Pommiès et du 49ème RI – Pau
RHÔNE ALPES
TABLE RONDE-DÉBAT
• Vendredi 19 avril à 20h 30 – Le génocide des Arméniens
est-il encore d’actualité ? Association culturelle Armenia
Salle Cheneviers de la MJC J. Moulin
20 av. J. Moulin 26 à Bourg-lès-Valence
Entrée libre – Renseignements : 04 75 83 80 58
EXPOSITION
• À partir du 5 avril – Photographies Hervé Tabonnet sur
les missions HayMed en Arménie et en Artsakh
CNMA Décines-Charpieu

Péniche Anako
Bassin de la Villette
Paris 19e
Métro Stalingrad / Jaurès

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Alakyaz – Avril 2024
BRÈVES
• Un long métrage sur le R.P. Komitas va être réalisé, adapté du roman « La mort n’existe pas » de l’ancien ambassadeur en
Arménie et écrivain Henry Cuny (paru aux éditions Sigest). La version préliminaire du scénario est écrite par Vahram Martirosyan.
• Projet d’une cité cinématographique (la Cité du Cinéma près de la ville de Metsamor) qui permettra de développer l
a production cinématographique en Arménie et de tourner les scènes qui se passent à Paris, Berlin, Tiflis (actuellement Tbilissi)
et dans l’ancien Erevan, en studio.
• Ruben Vartanyan, ancien ministre d’État puis Premier ministre de l’Artsakh après Araïk Harutyunyan, actuellement détenu
en Azerbaïdjan est nominé pour le Prix Nobel de la Paix 2024, pour son action caritative et humanitaire.
• Le premier ministre Nikol Pachinyan a reçu la délégation dirigée par la Présidente du Conseil départemental des Bouches
du Rhône, Martine Vassal.
• TUMO va reconstruire le marché historique de Gyumri et y établira une école internationale de cuisine avec le soutien de l’UE.
Tourisme et gastronomie avec le CCIFA (Chambre de Commerce et dIndustrie Franco-Arménienne),
Immeuble WTC 2 rue Henri Barbusse 13241 Marseille cedex 1
• Saison 2024 de la francophonie : L’ambassadeur de France a ouvert cette semaine la saison 2024 de la francophonie
en Arménie, en rappelant les valeurs et l’importance que celle-ci incarne pour l’espace francophone et pour la France.
Sylvain Tesson et Jean-Christophe Buisson sont allés à la rencontre des réfugiés arméniens
d’Artsakh à Yérévan, accompagnés d’Astrig Siranossian, violoncelliste, et d’Antoine Agoudjian,
photographe.

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Alakyaz – Avril 2024

Cette année, pour le 109ème anniversaire du génocide des Arméniens,

l'Association Audiovisuelle Arménienne présente à la Maison Arménienne des Jeunes et de la Culture de Marseille,

l'installation Un mur contre l'oubli.

Un mur d'images représentant une carte du peuplement arménien en 1915 dans l’Empire ottoman et jusqu’au Caucase.
Par les 15 écrans-fenêtres les témoins racontent en chœur leur odyssée tragique, relatant les souvenirs de leur ville d'origine jusqu'à la
déportation et l'exécution du génocide de 1915-1916. Ils sont les survivants réfugiés en France dans les années 1920.
En 2025, grâce à votre soutien, nous espérons élargir, essaimer dans toute la France, l'Europe et même en Arménie, le Mur contre l'oubli.
Nous souhaitons développer autour dde cette installation une programmation de films de cinéastes d’Arménie et de la diaspora, monter
des expositions de photos, de peintures et avec des historiens, des chercheurs et des cinéastes, des conférences et des tables rondes.
Pour soutenir Un mur contre l'oubli, et préparer d’autres projets, l’AAA ouvre une campagne de souscription à l’aide du bulletin de don ou
d’adhésion ci-dessous, à envoyer à Association Audiovisuelle Arménienne chez Isabelle Ouzounian 26 rue de Pontoise, 75005 Paris.

Par chèque à l’ordre de l’Association Audiovisuelle Arménienne.
Par virement : numéro IBAN de l’association : FR94 2004 1000 0124 3777 7N02 094

Nom : ……………………………………..
Prénom : ……………………………
Adresse : …………………………………………………………………………………
Ville : ……………………………………..
Téléphone : …………………….
E-mail : ……………………………………..
Montant don : ……………….

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