Taner Akçam est un sociologue et historien turc, professeur au Centre pour l’étude de l’Holocauste et des génocides de l’université du Minnesota, aux Etats-Unis, et auteur de plusieurs livres importants sur l’histoire turque contemporaine, en particulier Un acte honteux. Le génocide arménien et la question de la responsabilité turque (Denoël, 2008). Dans son nouvel essai, Ordres de tuer. Arménie, 1915, il établit l’authenticité des télégrammes controversés par lesquels les plus hautes autorités ottomanes ordonnèrent, entre 1915 et 1917, la déportation et le massacre des Arméniens – on estime le nombre de victimes à 1,5 million. Sa parution, alors que le sujet continue de faire l’objet d’un déni officiel dans la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, est un événement.

Quel but avez-vous poursuivi en écrivant ce nouveau livre sur le génocide des Arméniens ?

Avant sa publication de ce travail, le génocide des Arméniens était déjà un fait établi, non seulement dans le monde universitaire, mais aussi au sein de la communauté internationale au sens large. De nombreuses publications ont montré l’intention génocidaire des autorités ottomanes. Pourtant, les gouvernements turcs successifs ont continué de nier ce génocide. C’est pourquoi mon livre est surtout destiné à démanteler les arguments négationnistes.

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Quelles ont été les réactions à la parution du livre en Turquie, en 2016 ?

Il a été bien accueilli par les historiens et les médias progressistes. Les milieux négationnistes ont, quant à eux, préféré le passer sous silence. Un seul site Internet, celui du Centre pour les études eurasiennes, un institut parrainé par le gouvernement, a tenté de contester mes conclusions. Mais il s’agissait essentiellement d’attaques ad hominem.

En quoi votre enquête marque-t-elle un progrès dans l’étude du génocide ?

Les arguments négationnistes reposent essentiellement sur l’idée qu’on manquerait de sources directes : personne n’aurait découvert un seul document ottoman montrant clairement l’intention génocidaire du gouvernement ottoman au moment où il a commencé à déporter les Arméniens. Sur cette base, les négationnistes, tout en reconnaissant des pillages et même des massacres à l’encontre des convois de déportés, nient qu’ils aient correspondu à une volonté du gouvernement.

source : LeMonde