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Missak Manouchian imprégné de culture française depuis l’orphelinat de Djounieh au Liban

Interview de Denis Pechanski

Missak Manouchian, réfugié arménien arrivé en France en 1924, est imprégné de culture française depuis son séjour à l'orphelinat de Djounieh, près de Beyrouth au Liban, où il a vécu suite à la perte de ses parents lors du génocide des Arméniens. Profondément attaché aux valeurs universalistes de la France des Droits de l'Homme et de la Révolution française, il demande sa naturalisation dès 1933.
Dans ce dossier, un tout petit document daté de septembre 1933 a retenu mon attention : un certificat de domicile qui atteste que Manouchian avait habité Châtenay-Malabry entre fin 1931 et septembre 1933. Or, à l'adresse indiquée, 44 avenue Jean-Jaurès, se trouvait la Cité nouvelle, une sorte de communauté fondée par des militants communistes. C'est une grande maison avec un vaste parc où, pour l'anecdote, je me promenais souvent lorsque j'étais enfant…

On disait que Missak Manouchian n'était entré dans le mouvement communiste et au Parti communiste qu'à partir de 1934, en réaction aux émeutes de février 34. Manifestement, il a appartenu à cette mouvance dès 1931. Ce certificat, en apparence, ne semble pas être le document le plus important du dossier. Or, il comporte un contenu qui change notre connaissance de la figure de Manouchian et de l'histoire de son engagement.

Qu'est-ce que cette panthéonisation peut apporter à la société française ?
Missak Manouchian est entré très tôt dans la mémoire collective des Français, dès les années 1950. À cette époque, on assiste à un écroulement de la figure du résistant dans la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. La Guerre froide et les guerres coloniales occupent alors le devant de la scène.

C'est notamment grâce au poète Aragon que la figure de Manouchian s'imposera, dix ans après la Libération. Il a écrit un poème, en 1955, en hommage aux immigrés résistants lors de l'inauguration de la rue du Groupe Manouchian, dans le 20e arrondissement de Paris. Léo Ferré l'a mis en musique et popularisé en 1961.
Ainsi Manouchian et les résistants étrangers, cette forme de résistance et cette guérilla urbaine entrent dans la mémoire nationale. Cette reconnaissance trouve un nouvel écho aujourd'hui avec la panthéonisation de Missak Manouchian, accompagné de Mélinée.
Des rues, des établissements scolaires vont prendre le nom de Manouchian ou de l'Affiche rouge ou d'autres camarades de combat de Missak… Cette place dans l'espace public va s'accroître. Je suis convaincu que, de ce fait, les plus jeunes vont être amenés à réfléchir sur cette histoire.

source : JP D.

photo : D.R.