1 Nouvel Hay Magazine

« Mais oui j’ai vu Jérusalem » (Adamo) , « de loin en loin tu n’es plus qu’un… »(Aznavour)

 

L’hiver est plutôt doux cette année à Jérusalem : on ne sait même pas si on verra la neige. Hagop Djernazian ne s’en plaint pas. Depuis plusieurs semaines, avec une poignée d’autres membres de la communauté arménienne, ce jeune de 26 ans garde, nuit et jour, un parking situé dans la Vieille Ville. C’est leur Fort Alamo : depuis deux ans, les habitants du quartier se mobilisent contre un projet immobilier qu’ils soupçonnent être commandité par des extrémistes juifs, partisans de la colonisation de la Ville sainte.

 

Le «Jardin des vaches», c’est comme cela qu’ils appellent, est un rare espace vide dans la Vieille Ville. Seulement un kilomètre carré rempli des échos des prières de milliards d’êtres humains. Intra-muros, Jérusalem est divisée en quatre quartiers : juif, musulman, chrétien et arménien. En temps normal, ce dernier, situé au sud-ouest, est le plus calme. Mais depuis le début de la guerre, le 7 octobre, Jérusalem a pris des allures de ville morte, vidée de ses pèlerins et touristes, et d’une majorité de Palestiniens, interdits d’accès.

«Deux poids, deux mesures»

Au moins un millier d’Arméniens y vivent, autour d’une cathédrale du XIIe siècle. Leur présence ici, sur le mont Sion, est ininterrompue depuis que la chrétienté est devenue religion d’Etat en Arménie, au IVe siècle. Ils étaient environ 3 000 au début du XXe, avant d’être rejoint par plus de 10 000 réfugiés du génocide après 1917. Beaucoup se sont établis, au moins temporairement, sur ce pré, comme le père de George Hintlian, 78 ans. Ce gauchiste invétéré, universitaire de renom, est passé par Beyrouth et Bir-Zeit en Cisjordanie, mais n’a pas pu lâcher son quartier. En 1970, il est devenu secrétaire chargé des propriétés au patriarcat arménien, reprenant le poste que son père avait tenu pendant cinquante-cinq ans.

«Une partie de cache-cache dans un monde de deux poids, deux mesures» : c’est ainsi qu’il décrit ce rôle stratégique. «Après l’occupation israélienne de Jérusalem en 1967, Israël voulait une légitimité internationale : en tant que chrétiens, nous étions traités de manière idéale, raconte M. Hintian. Peu à peu, les choses ont changé. Depuis cinquante ans, l’immobilier est devenu une tragédie comique. Et la seule façon de bien jouer la pièce, c’est d’être vicieux.»

«Le Jardin des vaches est un terrain stratégique, qui relie le mont Sion, la porte de Jaffa et le quartier juif, explique-t-il. Nous avons toujours su que les voisins convoitaient nos terrains.» Finalement, l’alignement a été parfait : un promoteur australien, une connexion émiratie, un agent catholique palestinien, un prêtre arménien corrompu… Baret Yeretzian, depuis défroqué, avait l’oreille du patriarche. «Il l’a convaincu que c’était une bonne idée, sans regarder la carte, sans comprendre exactement la portée de ce qu’il vendait, et sans l’accord du synode – 17 évêques et prêtres, qui ont immédiatement protesté. Tout a explosé. C’était comme une petite intifada.»

Opération signée colons….

 

sources : JP D., Libé