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Le directeur de “Nouvelles d’Arménie Magazine” dit “Stop” aux manoeuvres des anciens oligarques qui manipulent l’opinion, pour reprendre le pouvoir en Arménie

STOP !

Destructrices durant les 20 ans où elles ont occupé indûment le pouvoir, les forces de l’ancien régime continuent à user de leur faculté de nuisance depuis la signature du cessez-le-feu du 9 novembre 2020. Utilisant la mort des 3500 soldats arméniens tués durant cette guerre déclenchée le 27 septembre par la coalition turco-azerbaïdjanaise, cette mouvance tente sans vergogne d’exploiter ce malheur pour reprendre ce pouvoir dont le peuple l’avait dépossédé au moment de la Révolution de velours.

Se sachant haïe, elle essaie de se rendre à nouveau acceptable en arguant « qu’au moins sous son administration, l’Arménie n’avait pas perdu de terres ». Peut-être. Mais ni Kotcharian ni Sarkissian ne se sont donné durant leur 20 ans de règne sans partage les moyens militaires de garantir la pérennisation des acquis de la guerre de 88-94, ni n’ont créé l’opportunité de les transformer en victoires politiques. Venus au pouvoir à la faveur de la révolution de palais du 3 février 1998, justifiée selon eux par le fait que Ter Petrossian s’apprêtait à restituer à l’Azerbaïdjan les territoires occupés contre un accord de paix, ils n’ont pu ni trouver une meilleure solution avec Bakou ni renforcer suffisamment les positions de l’Arménie pour prévenir tout retour de la domination azerbaïdjanaise sur l’Artsakh.

Oubliant que c’est justement sous le régime de LTP que le Karabakh a multiplié les avancées sur le terrain, ils se sont comportés comme des fils prodigues à la fois de la victoire et de la désovietisation. Détournant les richesses du pays, multipliant les abus de droit, confisquant les élections, maniant les commandes du pouvoir avec morgue, mépris et autoritarisme, ils sont allés jusqu’à faire tirer sur la foule le 1er mars 2008. Résultat : plus d’un million d’Arméniens ont émigré vers des cieux plus civilisés. Autant de bras qui ont manqué pour enrichir le pays ou le défendre face à l’ennemi. Voilà le bilan de ces « patriotes » qui osent aujourd’hui se poser en « sauveurs », en ajoutant à l’affaiblissement de la République du Haut-Karabakh la déstabilisation de l’Arménie.

Faisant assaut de démagogie nationaliste, les tenants de l’ancien régime n’hésitent pas à instrumentaliser le désespoir d’une nation assommée par les pertes qu’elle vient de subir, notamment humaines, pour obtenir leur revanche contre le libérateur Nikol Pachinian, désigné comme un « traître ». Et ce, sans bien sûr ne jamais remettre en cause leur propre part de responsabilité dans l’issue des événements, dont ils ne font qu’aggraver les conséquences, jour après jour, depuis 4 mois. 

S’ils multiplient les menaces de soulèvement contre les autorités élues et légitimes en exploitant les sentiments patriotiques du peuple, ces contestataires se sont avérés durant tout ce temps incapables de le mobiliser vraiment, ni d’apporter la moindre réponse positive et concrète à ses questionnements. Se contentant, plus facilement, de souffler sur les braises de la propagande à travers la presse audiovisuelle sur laquelle ils exercent un contrôle quasi absolu, dont ils usent et abusent sans retenue pour lyncher au quotidien Pachinian. 

Forts de leur passif, ils prétendent continuer jusqu’à aujourd’hui à bénéficier du système de prébende et de corruption qu’ils ont instauré pour manipuler leurs obligés parmi les cadres de l’appareil d’État, notamment dans les ministères régaliens. Et ce, dans l’espoir de faire main basse sur le pouvoir par la pression et certaines complicités, selon le mode opératoire déjà pratiqué par le récidiviste Kotcharian contre LTP en 1998. 

Faut-il que l’Arménie actuelle soit patiente et scrupuleuse à l’égard des droits de l’opposition pour faire montre d’autant de tolérance envers ces procédés qui non seulement ne permettront de récupérer aucun pouce des territoires concédés, ni ne feront revenir aucune vie, mais qui prennent le risque d’entraîner la nation vers la violence interne. Avec la probabilité manifestement assumée de lui faire perdre les acquis démocratiques qui lui avaient valu l’admiration du monde entier et -le plus important -, l’estime d’elle-même.

Après 4 mois de dialogue de sourd, il est temps de dire stop aux factieux et de suivre la voie qui s’impose : celle du respect de l’ordre constitutionnel et de l’organisation d’élections sous l’égide du gouvernement légal et légitime, le seul depuis 1991 à avoir déjà organisé une fois un suffrage universel incontesté et incontestable en décembre 2018. Une issue démocratique à laquelle cette « opposition » n’a visiblement pas intérêt comme l’indiquent, outre les sondages, les chiffres de la mobilisation dans le mode d’expression et de confrontation qu’elle s’est elle-même choisie : celui de la rue. Ainsi n’y avait-il le jeudi 25 février que huit à dix mille manifestants d’un côté, et largement plus du double de l’autre. De quoi préférer l’organisation du chaos â la règle du jeu démocratique. Il est temps d’en finir avec ces cris et ces vociférations indignes pour enfin laisser parler les urnes.

Ara Toranian*

* directeur du mensuel français “Nouvelles d’Arménie Magazine”
et du site www.armenews.com

photo : D.R.