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“Français-Arméniens” (.com) lance un appel à s’organiser

Appel du 6 janvier 2021
à la diaspora arménienne de France

« Il y a urgence à mieux organiser la diaspora arménienne en France pour lui donner un nouvel élan »

En ce 6 janvier 2021, nous traversons une des heures des plus graves de l’histoire des Arméniens. Avant même que la fin catastrophique de la guerre d’Artsakh ne vienne ébranler les espoirs nourris depuis une trentaine d’années d’indépendance, l’évolution du contexte politique en France, en Arménie/Artsakh et en Turquie/Azerbaïdjan avait mis en évidence la nécessité de renforcer et d’améliorer la structuration de la diaspora en France et d’en accroître l’efficacité. Les suites dramatiques du conflit que nous venons de vivre appellent à accélérer le diagnostic pour mettre en œuvre rapidement les décisions indispensables pour donner à la diaspora arménienne en France un nouvel élan.

Nouveaux enjeux
Nous sommes aujourd’hui à un tournant car nous mesurons bien que, au-delà des sujets politiques et culturels traditionnels, de nouveaux défis immenses sont face à nous. La bienveillance dont bénéficient les Français d’origine arménienne dans l’opinion publique ne doit pas nous aveugler sur l’ampleur de ces enjeux.
C’est d’abord la préservation de l’héritage culturel arménien en France qui est aujourd’hui en jeu. Chez les plus jeunes générations, l’attachement à la langue et à la culture arménienne s’altère avec l’intégration. Le déclin des institutions culturelles et les faibles moyens des écoles ne permettent pas d’y remédier de manière satisfaisante.
Par ailleurs, le choix d’une intégration exemplaire des Français d’origine arménienne est aujourd’hui rattrapé par l’hostilité croissante, sur le territoire français, des ennemis historiques des Arméniens. Cette situation, inimaginable il y a quelques années, prend plusieurs formes : négationnisme du génocide par des associations militantes (lutte contre la reconnaissance et sa pénalisation, contentieux pour la révision des programmes d’histoire ; …), menaces physiques par des organisations paramilitaires du type des Loups Gris, entrisme dans la vie politique française (conseils municipaux, associations, etc..) par des partis répondant directement aux ordres du gouvernement turc.
Cette situation nécessite certainement une vigilance toute particulière pour éviter qu’à terme les acquis des Franco-Arméniens et les conditions nécessaires à la viabilité de l’arménité ne soient remises en cause.

Défaillances
La focalisation sur des objectifs politiques est certainement le chapitre qui nous semblait jusque récemment le mieux structuré nationalement. La guerre vient de nous faire comprendre que cette organisation s’avère insuffisante.
Si la mobilisation de la diaspora en France a été exemplaire, elle n’a pas eu les relais suffisants pour alerter à temps et réorienter significativement la politique française pour faire valoir l’intérêt de la France à soutenir l’Arménie au niveau de l’Etat, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et respecter le droit international. Les raisons mériteraient d’en être étudiées et des solutions apportées : lobbying tardif et superficiel, relais dans les médias et les milieux politiques et universitaires limités, ressources en intelligence et en moyens financiers insuffisantes, etc…
Le défaut de professionnalisme de la diaspora qui ressort de cette guerre apparaît d’autant plus incompréhensible qu’à la différence des décennies passées, les générations actuelles de Français d’origine arménienne ont acquis par leur travail et grâce à la méritocratie républicaine des positions remarquables que ce soit dans les affaires, en politique, dans le monde scientifique et intellectuel, la recherche ou la médecine. Il nous faut d’urgence nous atteler à engager une professionnalisation indispensable de notre coordination.

Représentativité
Les Français d’origine arménienne forment une diaspora de plus de 600 000 membres. Elle s’est constituée dans l’entre-deux guerre du siècle dernier et a bénéficié de vagues d’immigration successives qui l’ont conduite à se développer de façon protéiforme. Aujourd’hui encore cette diaspora s’enrichit de nombreuses familles venues directement de Syrie, d’Arménie et d’Artsakh qui s’intègrent progressivement tout en étant à la recherche de nouveaux repères communautaires. Cette pluralité est source d’enrichissement à condition de pouvoir la fédérer. Alors que les premières générations de plus en plus intégrées s’en éloignent, la diaspora n’est pas parvenue à tisser le lien avec les nouvelles en jouant pleinement son rôle dans leur intégration. A cela s’ajoute, de nombreux Français d’origine arménienne, talentueux mais désincités à prendre part à la dynamique collective faute de transparence et de professionnalisme de notre organisation.

Nouvelle organisation
Depuis plusieurs décennies, le CCAF a réussi à faire entendre la voix des Français d’origine arménienne auprès des pouvoirs publics. Si la partie la plus visible de sa mission est le dîner annuel auquel participe le Président de la République, il ne faut pas sous-évaluer le travail plus discret de coordination nationale de ses structures.
Pourtant les défis précédemment évoqués appellent une nouvelle ambition. Pour lui garantir sa pérennité et sa légitimité le CCAF devrait être doté, d’une part de moyens supplémentaires tant nationalement que régionalement, et d’autre part d’une gouvernance reposant sur une représentation plurielle et démocratique, exempte des pressions politiques de toute nature, le tout pour activer un objet, une ambition élargie

Agir vite et énergiquement

 

 

  • Afin d’assurer avec succès les actions succinctement évoquées ci-avant il est indispensable de se doter de moyens financiers substantiels qui font cruellement défaut au CCAF aujourd’hui.
  • Ensuite il faut rapidement investir dans les outils média et digitaux pour relier toutes les composantes de la diaspora d’une part et assurer une communication moderne auprès des décideurs et du public de ses prises de positions, actions et réalisations :
  • Pour assurer un fonctionnement efficace, il convient de mettre en place une gouvernance transparente et démocratique, s’appuyant sur des organes consultatifs, encadrant une organisation nationale et régionale permettant une participation du plus grand nombre. En clair il convient d’élargir le cercle des participants, actuellement limité aux seules associations.
  • Enfin, il est urgent de créer un organisme de recherches stratégiques qui regroupe des chercheurs et experts afin d’orienter les actions à engager en faveur de l’Arménie.
 
C’est avec ces nouveaux moyens et cette nouvelle organisation que le CCAF sera en mesure de mettre en œuvre une politique et des actions de promotion de l’arménité reposant sur les 3 piliers suivants :
  1. Influencer notre environnement éducatif, politique et social en l’intéressant à tous les sujets relatifs à l’Arménité. Cela inclut la promotion des valeurs de défense des droits de l’homme et de lutte contre la haine et les injustices, qui sont des valeurs structurantes de l’ADN politique des Français d’origine arménienne. Il conviendrait de le faire notamment en étendant les actions en relation avec la connaissance du génocide, son lien avec la France et l’Europe, ainsi que le refus du négationnisme aux établissements scolaires, les universités et le monde intellectuel en France.
  2. Coordonner les initiatives nombreuses sur l’ensemble du pays, dans les domaines culturel, éducatif, intellectuel, religieux et économique afin de développer des synergies, peut-être mutualiser certaines fonctions pour assurer la pérennité de leurs modèles économiques, tout en préservant l’autonomie de ces initiatives qui est gage d’un dynamisme remarquable.
  3. Communiquer avec des moyens modernes au sein et en dehors de la diaspora via un site institutionnel, la présence sur les réseaux sociaux, des médias traditionnels et le développement de nouveaux media (podcasts…).
Le travail est désormais immense pour réarmer intellectuellement, financièrement et fonctionnellement la diaspora et faire le saut qualitatif que les défis face à nous appellent. Le présent appel a pour seul objectif d’identifier et de qualifier les besoins. Il a été esquissé par un groupe de Français d’origine arménienne convaincus de l’urgence de la tâche et non rebutés par son ampleur. Sur chacun des sujets évoqués ci-avant, des réflexions et des premiers travaux ont déjà été engagés. Mais de nombreuses questions restent encore à évoquer qui relèvent de la réflexion et du travail collectifs, et notamment la coordination entre les multiples associations, sociétés, et groupements qui animent aujourd’hui la diaspora dans les différents registres évoqués ci-avant.
Ce premier groupe de réflexion n’a surtout pas la volonté de s’approprier seul la réflexion et souhaite élargir largement la discussion. Il sera donc amené à s’étoffer par des bonnes volontés complémentaires qui ne manqueront pas de se manifester une fois connaissance prise du présent appel.
Mais il est urgent d’agir, et pour entamer le processus, il est proposé de recevoir et analyser les premières réactions et réflexions à l’adresse électronique suivante :
Les participants et contributeurs à cette réflexions seront ensuite, et au plus tôt, invités à participer à une réunion de mise au point d’un plan d’ensemble. Ce plan sera alors présenté aux organes décisionnaires actuels du CCAF.
 
Dans le terrible contexte que nous connaissons en Arménie et en France, nous devons conduire cette réflexion et aboutir à des décisions ambitieuses pour que la flamme de l’arménité en France ne s’éteigne pas et reste ardente.

 

 

 

 

Daniel Kurkdjian
Au nom du groupe Français-Arméniens

 

sources : de nos correspondants Serge Sogikian, Lydie Kaïmakian , www.francais-arméniens.com