1 Nouvel Hay Magazine

Smyrne (Izmir) le 15 septembre

Un moment de l’histoire universelle.

 

VOYAGE A SMYRNE

Épisode 9

Commémoration du centenaire

de la « Grande Catastrophe » d’Asie Mineure

1922-2022

Pour rappel.

A la fin de la première guerre mondiale, l’Empire ottoman est vaincu et moribond. De 1919 à 1922, les Grecs entreprennent alors une guerre contre les Turcs. Leur défaite aboutira, entre autres, à la perte de Smyrne (Izmir aujourd’hui) ville à majorité grecque et port cosmopolite de la mer Egée, une des destinations de la route de la soie. Un quartier arménien se trouve dans la ville où se sont réfugiés de nombreux Arméniens après le génocide de 1915. Les Grecs nomment cette période la « Grande Catastrophe ».

 

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Les derniers jours de Smyrne, pas à pas…

Le 15 septembre 1922

« Le matin du 15, le vent ayant faibli, une épaisse couche de fumée recouvrait la ville où l’incendie avait tout détruit jusqu’aux zones les plus éloignées. Seuls demeuraient épargnés la Pointe, le quartier turc prolongé par le quartier juif, le bazar et la zone administrative du pouvoir autour du Konak. Le nombre de réfugiés du quai, évalué par diverses sources entre 300 000 et 500 000 personnes, ne semblait nullement avoir diminué. Sans approvisionnements, sans eau, sans abri ils étaient devenus une masse de gens hagards et désespérés. Sur la mer, de jeunes Turcs nageaient jusqu’aux cadavres qui flottaient pour les dépouiller de leurs bijoux.

Soucieux de débarrasser la Turquie de toute présence étrangère, Kemal exigeait que tous les réfugiés de Smyrne soient évacués avant le 1er octobre. Après cette date ils seraient exportés en Anatolie centrale. Sans attendre cette date, l’armée turque commençait à faire prisonniers tous les hommes de 15 à 50 ans, considérés, abusivement, comme des prisonniers de guerre. Ils furent amenés dans une caserne, parqués dans une cour, en haillons, ils furent dépouillés de leurs vêtements et chaussures, de leurs documents d’identité. Écrasés de chaleur et de soleil, il leur était interdit de s’approcher d’un robinet au milieu de la cour dont l’eau s’écoulait sans arrêt. Leurs gardiens, des irréguliers tortionnaires, les malmenaient avec des fouets de fils de fer barbelés.

Les jours suivants, des colonnes de prisonniers se mirent en marche vers Magnésie ; tous les kilomètres, les hommes qui, épuisés, n’arrivaient pas à suivre, étaient amenés à l’écart et abattus. On les enferma dans un entrepôt construit en pierre à chaux dont la poussière les étouffait. Les gardes obligèrent les survivants à s’automutiler ou à attaquer leurs camarades. Puis les rescapés durent aller à pied de village en village où on les vendait comme esclaves aux Turcs de la région.

Les responsables américains essayaient de convaincre le gouvernement grec d’envoyer une flotte pour sauver la foule des quais de Smyrne. Celui-ci, qui redoutait l’arrivée en Grèce de ces milliers de réfugiés, exigeait que la sécurité de ses navires soit garantie par les Turcs, garantie que ces derniers refusaient. Quant à l’amiral Bristol, il était toujours aussi peu enclin à le faire par crainte de nuire aux intérêts américains.

Kemal, qui avait réquisitionné toutes les villas encore intactes de Bournabat, s’y était installé avec son état-major. De là, il menait ses tractations diplomatiques où, fort de sa victoire, il menaçait de marcher sur Constantinople. Lorsqu’on lui annonça que la ville était en flammes, il sortit. De la véranda, il observa le tragique brasier, puis on l’entendit murmurer : « Je n’y peux rien. Que périssent ainsi tous les ennemis de mon peuple ! ».

Toujours le 15, les Français, grâce à des camions fournis par l’armée turque, ont pu évacuer le couvent et les orphelins du Coula isolés au-delà du Pont des Caravanes. Ils ont à nouveau procédé à des embarquements de protégés restés à terre, mais de nombreux Grecs se sont glissés parmi eux : au nombre de 1200, amenés par la Dédaigneuse, ils sont regroupés à bord du vapeur Eliane qui appareille à 20 heures. Escorté par le torpilleur Tonkinois il devra débarquer ses réfugiés à Chio, Méthylène ou le Pirée. »

D’après l’ouvrage de Louis François Martini « Le Crépuscule des Levantins de Smyrne » Etude historique d’une communauté.

 

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