1 Nouvel Hay Magazine

« Au-revoir Piaf » aux éditions Parenthèses

 

Nouveautés Diasporales…

« J’ai 28 ans. C’est écrit en haut de toutes les pages de son calepin qu’il ouvre toutes les heures pour le feuilleter et répéter qu’il a 28 ans ; il le répète avec une angoisse qui fait rougir la peau, en regardant d’abord les chiffres : pourvu que le deux ne soit pas devenu trois. Ensuite, il penche sa tête en forme de melon comme la tête impuissante d’un homme mort sur l’une des pages du calepin et il écrit : le deux ne deviendra jamais trois, parce qu’après la démobilisation, le seul gouverneur de l’espace et du temps, c’est toi, comme papi qui, à l’aube, a finalement réglé tous ses comptes avec l’histoire. Regarde comment Dürer, à vingt-huit ans, reproduit le geste du sauveur dans son autoportrait. Maîtrise improbable, mystérieuse des coups de pinceau. Comme si le pinceau avait agi depuis une distance cosmique, dans une synthèse contrôlable de l’esprit et de la sensibilité. L’autoportrait de Dürer âgé de vingt-huit ans est une perfection jetant le gant à Dieu, une perfection égalant ses rêves. Le temps de Dürer restera à jamais l’infini, alors que toi, toi qui a déjà 28 ans, tu n’as d’autre temps qui t’appartienne à part le Piaf. Soldat distrait. On n’a pas honte de l’honnêteté de son propre regard et on ne tue pas l’ennemi par crainte d’un sentiment de honte. Il ne reste plus d’honnêteté sensible en toi pour voir le temps. »
Aram Pachyan
Au revoir, Piaf

Traduit de l’arménien par Anahit Avetissian 

 

Collection : Diasporales
16,5 x 23 cm, 192 pages, 2020.
ISBN 978-2-86364-356-1