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Les médicaments de l’espoir : un essai clinique international commence en France

Un essai clinique international contre le Covid-19 commence en France

Un essai clinique européen destiné à évaluer quatre traitements expérimentaux (dont l'hydorxychloroquine promue du Dr Didier Raoult, et qui va inclure en tout 3.200 patients, dont 800 Français) pour lutter contre le coronavirus a débuté en France, a annoncé dimanche 22 mars 2020 l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) cité par l’agence Reuters. [(l'administration du Plaquenil, l'un des noms commerciaux de la chloroquine, se généralise . Pour des « raisons compassionnelles » envers les familles de patients lourdement atteints, plusieurs chefs de clinique traitent déjà des malades avec du Plaquenil . Au Maroc, le gouvernement a également décidé de passer outre les confirmations scientifiques en achetant tous les stocks de l'usine Sanofi de Casablanca pour traiter les malades)]

 

 

 

 

L’un des espoirs s’appelle Kevzara. Sur le marché depuis 2017, ce médicament a été conçu par Sanofi et la société américaine Regeneron Pharmaceuticals contre la polyarthrite rhumatoïde, une maladie inflammatoire des articulations. 

Les deux pathologies (avec le covid-19) présentent un symptôme commun : l’inflammation.

Les gravement malades du Covid-19 ont des difficultés respiratoires car le virus s’attaque aux parois des bronches et des poumons.

Les muqueuses gonflent, s’épaississent . Les patients présentent «une réponse inflammatoire hyperactive dans les poumons».

Une molécule parait être impliquée dans cette réaction immunitaire, chez les patients atteints de polyarthrite & ceux atteints du Covid-19 : l’interleukine 6 – nom de code : IL-6.

C’est une étude chinoise du 5 mars qui a fait le lien, et donc proposé d’utiliser les mêmes médicaments, ceux qui entravent l’action de l’interleukine 6, pour traiter les deux maladies.

Si on empêche cette molécule de déclencher une inflammation, on pourrait éviter les symptômes de détresse respiratoire. 

Les chercheurs de Regeron et Sanofi vont commencer à tester le Kevzara dans des hôpitaux new-yorkais, où les malades du Covid-19 affluent. Ils forment deux groupes de cobayes : l’un reçoit les soins habituels (assistance respiratoire, etc.) et un placebo,

l’autre reçoit les soins habituels et du Kevzara. On compare l’évolution de leur santé jour après jour. Le test sera étendu à 16 centres médicaux dans tous les Etats-Unis,  «jusqu’à 400 patients» pour connaître les effets du Kevzara sur la fièvre, les besoins en oxygène et en assistance respiratoire, et à plus long terme la mortalité. Dans les prochaines semaines» des tests seront hors Etats-Unis, dont l'Italie .

Chloroquine et remdésivir : les antiviraux

Le Kevzara, appliqué aux cas de Covid-19, est un traitement de suppléance : il ne s’attaque pas à la source de la maladie mais pallie la déficience des organes touchés. Les essais de chloroquine sur les malades et d’autres substances prometteuses, comme le remdésivir, visent à perturber la multiplication du virus dans le corps pour freiner l’infection : ils ont des effets antiviraux

Le remdésivir a été développé par le laboratoire Gilead Sciences contre le virus Ebola, une épidémie en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2016. Ebola et le Sars-CoV-2, sont des virus très différents l’un de l’autre .Le remdésivir s’attaque au processus de réplication des virus, qu’ils ont en commun.

L’antiriviral est semblable à l’adénosine,, l’une des «briques» élémentaires qui composent les chaînes d’ADN.

Dans son déguisement d’adénosine, il se présente aux virus qui infectent le malade.

Les petits ouvriers chimiques qui  dupliquent et multiplient le virus dans le corps n’y voient que du feu : ils s’emparent de l’analogue et l’utilisent à la place de l’adénosine pour construire le matériel génétique du virus. Et l’analogue a un secret : il bloque la construction dès qu’il est inséré dans la chaîne. Comme un capuchon, il empêche l’ajout de nouvelles briques. La synthèse du génome viral est alors bloquée et la réplication ne se fait pas.

Outre Ebola, le remdésivir est efficace contre plein de virus : les virus Junin, Lassa, Nipah, Hénipavirus, et des coronavirus causant des troubles respiratoires. Leurs petits ouvriers de construction d’ADN, les polymérases, sont assez similaires. Le remdésivir ne fonctionne pas sur d’autres virus aux polymérases différents.

Un malade du Covid-19 a été traité avec du remdésivir, et l’amélioration de son état, relatée dans un article scientifique, a soulevé beaucoup d’espoirs. Gilead Science a pu obtenir des autorisations rapides pour commencer des tests cliniques sur 400 patients avec des symptômes sévères , avec du remdésivir pendant cinq ou dix jours.

Puis 600 patients avec des symptômes modérés seront traités soit avec dix jours de remdésivir, soit avec les soins habituels. Les résultats sont fin avril.

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Pour neutraliser le coronavirus dès son arrivée dans le corps humain, le top est le vaccin.

Sanofi y travaille . Sa division Sanofi Pasteur,  spécialisée en vaccins, a sorti de ses tiroirs des travaux antérieurs sur un vaccin contre le Sras (syndrome respiratoire aigu sévère), qui a fait quelques ravages au début des années 2000 et qui est causé par un autre membre de la famille des coronavirus. Ce projet de vaccin était développé à l’époque par le laboratoire américain Protein Sciences, que Sanofi a racheté en 2017. Il n’y a plus qu’à relancer la machine en poussant l’ambition plus loin : peut-on faire d’une pierre deux coups ? «Sanofi prévoit d’approfondir ses recherches sur un vaccin-candidat contre le Sras qui pourrait également protéger contre le Covid-19», annonçait l’institution dès le mois de février.

Ce vaccin-candidat n’est jamais parvenu au stade des tests cliniques. Mais il a déjà été essayé sur des animaux. Il a réussi à leur conférer «une protection partielle» en déclenchant une production d’anticorps. Mais le chemin est encore long : le patron de Sanofi Pasteur, David Loew, estime qu’ils pourront disposer d’un vaccin candidat contre le Sars-CoV-2 «dans moins de six mois» et que les essais cliniques pourront commencer «dans environ un an à un an et demi».

 

Le vaccin mRNA-1273, déjà en test

A Seattle aux Etats-Unis, un autre vaccin potentiel a déjà mis un pied dans les hôpitaux. «Quarante-cinq adultes volontaires en bonne santé âgés de 18 à 55 ans» ont prêté leur bras à la science dès cette semaine, ont annoncé les National Institutes of Health (NIH), dépendant du ministère de la Santé américain.

Structure du coronavirus SARS-CoV-2, modélisée par le Centers for Disease Control and Prevention (CDC).Structure du coronavirus Sars-CoV-2, modélisée par le Centers for Disease Control and Prevention. Image CDC. Alissa Eckert, MS. Dan Higgins, MAM, domaine public

Le développement éclair de ce vaccin nommé «mRNA-1273» n’a pas pu sortir de nulle part ; il a lui aussi bénéficié de recherches antérieures sur le Sras et le MERS-CoV, un coronavirus qui a frappé au Moyen-Orient en 2012. «Les coronavirus sont sphériques et ont des piques qui émergent de leur surface», expliquent les NIH. Ces protéines pointues dressées tout autour de l’enveloppe du virus, qui lui donnent son air punk, sont appelées spicules. «Elles s’attachent aux cellules humaines et permettent au virus d’y pénétrer.» C’est là qu’on veut agir.

 

Les chercheurs du Centre de recherche sur les vaccins (VRC), associés à la société américaine de biotech Moderna, «ont déjà travaillé sur un vaccin qui cible les spicules» pour le coronavirus du Moyen-Orient. Contrairement à de nombreux vaccins, celui-ci ne consiste pas à inoculer au patient une version désactivée du virus, inoffensif, pour apprendre au corps à le reconnaître. Ce vaccin-là ne contient qu’un brin d’ARN messager. L’ARN messager fait le lien entre les informations génétiques écrites dans l’ADN et les protéines fabriquées dans les cellules des êtres vivants : c’est une sorte de mode d’emploi, de notice de montage pour fabriquer les protéines.

L’ARN messager est une sorte de notice de montage de protéines, copiée d’après les informations génétiques de l’ADN. Schéma d’après Fdardel, CC BY SA.

Le vaccin contient donc un bout d’ARN messager dont la notice correspond à la protéine des spicules du coronavirus. Les cellules du patient vacciné vont alors fabriquer ces spicules, que leur corps va identifier comme des corps étrangers agressifs, et contre lesquels il va développer une réponse immunitaire. Bingo !

 

Dès que le génome du nouveau coronavirus a été connu, les scientifiques du VRC et de Moderna ont adapté leur proto-vaccin à ses spicules. Il s’est déjà montré concluant sur des tests animaux et passe désormais en phase d’expérimentation humaine. Les participants à l’essai clinique recevront deux doses de vaccin à vingt-huit jours d’écart, et resteront sous observation durant un an.

Un vaccin très convoité

On ne pourra pas citer tous les laboratoires travaillant sur un traitement ou un vaccin adaptés au nouveau coronavirus. Parmi eux, la société allemande CureVac promet des essais cliniques «au début de l’été 2020» pour un vaccin efficace qui repose aussi sur l’action de l’ARN messager. Ses recherches intéressent tellement les Etats-Unis que Donald Trump aurait tenté d’attirer les scientifiques avec d’importantes ressources financières pour en obtenir l’exclusivité, selon le journal Die Welt

Mais après un premier refus d’Angela Merkel, c’est la Commission européenne qui s’en est mêlée pour stopper toute convoitise de Washington, en fournissant elle-même 80 millions d’euros de subventions à Curevac. «Dans cette crise sanitaire, il est essentiel de soutenir nos chercheurs et nos industries technologiques de pointe. Nous sommes déterminés à alimenter financièrement CureVac pour accélérer le développement et la production d’un vaccin», a déclaré la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.