1 Nouvel Hay Magazine

Le Liban qu’on aimait

NOTRE TESTAMENT: IL ÉTAIT UNE FOIS LE LIBAN QUI N'EST PLUS


Ceux qui, comme moi, sont nés durant les 30 glorieuses après la Deuxième Guerre Mondiale


Ceux qui ont connu les années 1950-1960…. 1975 au Liban


Nous qui, encore enfants, avions un pied dans le XIX° siècle et sommes encore là au XXI° siècle. Nous avons été éduqués dans la mentalité du XIX°, austère et conservatrice.


Nous appartenons à une génération unique dans l'histoire humaine. Nous sommes passés en une génération d'un mode de vie traditionnel, fait de peu de choses, à la technologie la plus avancée et à l'intelligence artificielle


Certains se souviennent encore des carrosses à chevaux qui nous servaient de taxis jusque dans les années 1950, des maisons de montagne sans le courant électrique, sans l'eau courante. Nous devions tirer l'eau du puits et aller cherchez l'eau potable à la fontaine publique, le soir venu ….


Étions nous heureux? Je ne sais pas. Mais c'était notre monde. C'était un certain Liban et ce Liban nous paraît, sous nos cheveux blanchis, magnifiquement beau … Le pays de la douceur de vivre, d'une certaine insouciance.


Nous vivions de peu, mais ce peu nous suffisait. Nos tables n'étaient pas opulentes comme maintenant. On mangeait un seul plat, souvent sans dessert et c'était fort bon.


On n'était pas noyé dans l'invraisemblable variété de produits venus de tous les coins du monde.


Nous vivions de ce que les saisons nous offraient. Et c'était bien ainsi.


Notre univers scolaire était plutôt carcéral mais nous avons tellement appris. Nous avons appris à écrire joliment, nous avons appris à dessiner chaque lettre … à la plume, à l'encre violette ….


Pas de radio, sauf le dimanche avant le déjeuner de midi. Pas de télévision, parfois le gramophone ou le lecteur des disques en bakélite 78 tours. Nous mangions tôt, vers 12:30, pas comme maintenant. Nous avions toujours un petit goûter puis un dîner somme toute assez frugal.


Et pourtant, nous connaissions le monde entier. Nos salles de cinéma libanaises étaient à la pointe du progrès. Notre pays était un "hub" incontournable pour le monde entier.


Nous allions en promenade à  l'aéroport de Beyrouth pour regarder les avions, les DC3, DC4, DC8, les Constellation, DC10, les Comet puis les premiers 707….. Le monde entier passait par Beyrouth. Nous rêvions sur la terrasse de l'aéroport, avec un cornet de Merry-Cream à la main. Puis au retour, on se laissait rouler sur les dunes de sable fin qui sont devenues aujourd'hui la banlieue-sud de Beyrouth.


Étions nous privilégiés dans notre vie simple? je ne sais pas


Pour sortir dans la rue, on se devait d'être correctement habillé. Nul n'aurait eu l'idée de sortir en sous-vêtements ou en pyjamas ou en guenilles comme on le fait maintenant.


Nous étions un pays de culture, de grande culture.


Il n'y avait pas tous ces restaurants exotiques qu'on voit maintenant, mais nous nous contentions de peu et ce peu était toujours de qualité.


Aujourd'hui il ne reste plus rien du Liban ou si peu. Peut être une dépouille que les hyènes et les vautours s'arrachent.


Nous avons l'obligation morale de prendre notre plume et de raconter aux jeunes générations ce que nous avons connu.


Il était une fois le Liban …. qui n'est plus.

Jiraïr (Gérard) Keuroghilian

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