Charles Gérard était aussi un fou de sport : Nersès Durman raconte …

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Arrivé en France en 1948, je résidais, durant ma période estudiantine, au Pavillon arménien de la Cité Universitaire du boulevard Jourdan à Paris dans le 14ème.
En tant que membre de l’association sportive arménienne appelée HMEM, nous nous réunissions tous les dimanches dans un stade situé dans le quartier de Cadet à Paris 9ème. Après leur échauffement, les garçons jouaient au Volley Ball, les filles au Basket.
Notre équipe de Volley était composée de jeunes de 18 à 25 ans. Certains noms me reviennent en mémoire comme ceux de Charles Gérard, Aram Karniguian, Antranik Alekian, Puzant Arabian, Yertvart Djénazian, Daronyan. Mais j’ai malheureusement oublié nos autres co-équipiers.
Un jour d’entrainement au stade, Aram Karniguian manqua à deux reprises son service. Très en colère, Charles Gérard l’interpella en arménien : « Dzo hayvan sa toppe chidak nédé » qui une fois traduit donnerait quelque chose du genre : « Eh abruti envoie ce ballon correctement ». Aram qui était issu d’une famille de fins lettrés en langue arménienne lui répondit sans se démonter : « Baron, hayvan yes tchem ayl toukek », ce qui se traduirait par : « Monsieur, sachez que l’abruti ce n’est pas moi mais bien vous », une réponse qui provoqua une grande hilarité chez Charles qui adorait déjà les belles répliques.
Je me souviens également d’une autre anecdote comique concernant Charles Gérard. Alors qu’il rendait visite à une de ses parentes, Mme Kazazian, rescapée du génocide des Arméniens, au cours du repas cette dame demanda à Charles s’il avait enfin trouvé du travail et comme ce dernier répondit par la négative, elle lui déclara sèchement qu’à son âge les hommes devaient tirer du pain de la pierre (c'est-à-dire qu’ils devaient travailler dur et gagner leur vie), ce à quoi Charles rétorqua de façon narquoise qu’en l’occurrence, lui, il trouvait parfois des pierres dans le pain.
Après tant d’efforts néanmoins, Charles accéda à la reconnaissance dans le cinéma, il pouvait ainsi répondre à Mme Kazazian que lui aussi avait réussi à extraire du pain de la pierre.
Un jour, après un match de Volley, Charles m’invita à déjeuner dans un restaurant et, sachant que j’étais étudiant en électricité, me proposa un travail. En effet, Charles Gérard était déjà bien introduit dans les milieux télévisé et cinématographique. Il savait qu’on avait souvent besoin d’un électricien sur les plateaux ; il souhaitait que je rejoigne l’équipe technique.
Cependant, mon camarade Antranik était beaucoup plus apte à accepter cette offre, étant très proche de sa famille, je n’ai pas voulu prendre une place qui aurait pu lui revenir ; j’ai donc refusé la proposition de Charles.
Un dimanche, alors que nous devions célébrer le soir l’anniversaire de l’Arménie soviétique à la salle Pleyel, nous jouions le matin même face à une équipe de la préfecture de police de Paris. Malheureusement, nous avons perdu le match mais pouvions-nous l’avouer à la direction du HMEM qui faisait partie du comité d’organisation de la soirée d’anniversaire avant la cérémonie au risque de gâcher la fête ? Notre équipe s’est présentée à la soirée en disant que nous avions porté haut les couleurs du HMEM.
Cher Charles Gérard, tu nous as quittés aujourd’hui, mais ton souvenir restera vivant dans nos coeurs.
Nersès Durman-Arabyan
Antony, le 21 septembre 2019

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