1 Nouvel Hay Magazine

Apres l’AFP , Paris-Match aussi peut commettre des erreurs

"Lettre ouverte adressée à Monsieur Olivier Royant

            Directeur de la Rédaction de PARIS MATCH

Monsieur,

en octobre dernier, la Direction du CCAF ( Conseil de Coordination des associations arméniennes de France ) vous a interpellé au sujet d’une déclaration de votre rédacteur en chef Monsieur Gilles Martin-Chauffier, affirmant à une agence de presse turque, non seulement qu’Ergogan était le Charles de Gaulle des Turcs (sic) mais aussi, on se demande pourquoi, que « les revendications arméniennes sont  sans fondements ». Vous avez répondu au CCAF, d’une part « que ces propos n’engagent évidemment que son auteur qui ne s’exprimait pas dans les colonnes de Paris Match » etc. et d’autre part, que vous aviez  rappelé à M. Martin-Chauffier son devoir de ne pas heurter la communauté arménienne. La presse écrite et en ligne s’est fait d’ailleurs l’écho de cette correspondance.

Mais votre réponse passe un peu vite sous silence les écrits précédents de votre collaborateur, parus dans sa chronique hebdomadaire de Paris Match et particulièrement virulents à l’encontre de l’Arménie et des Arméniens. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais précédemment rédigé deux lettres ouvertes à son sujet et qui sont parues dans le supplément en français du journal arménien « Nor Haratch » et sur le site « Nouvelles d’Arménie en ligne ». Dans la première, en date du 17 juin 2013, à l’occasion de la révolte de la Place Taksim à Istanbul qui a ébranlé les certitudes de tous les turcolâtres béats, et intitulée : PARIS MATCH : « le poids des mots, le choc des photos », mais en réalité « deux poids, deux mesures », je dénonçais Monsieur Martin-Chauffier pour sa turcophilie sans nuances. En particulier, j’évoquais son odieuse chronique  du 12 janvier 2012 : « L’ARMENIE  EN  LARMES », agrémentée d’une caricature comparable aux caricatures antisémites de jadis, dans laquelle votre rédacteur en chef a osé écrire entre autres vilénies, et vous l’avez laissé faire, que l’Arménie [suite aux conséquences traumatiques du génocide de 1915], « mariée à l’Apocalypse, elle se prend pour la Terre Sainte » et pire encore : « la Turquie, qui ne la voit que comme une petite nation acariâtre, en deuxième division, oubliée sur le banc des remplaçants et pour finir, assommante ». Drôle de jugement de la part de l’Etat responsable du crime imprescriptible perpétré contre la nation arménienne,  et relaté avec l’acquiescement évident de Monsieur Martin-Chauffier !

Puis, le 4 juin 2015, l’année du Centenaire du génocide, je me voyais contraint de rédiger une nouvelle lettre ouverte, cette fois-ci adressée directement à votre rédacteur sous le titre : « MONSIEUR MARTIN-CHAUFFIER, VOUS N’AVEZ PAS HONTE ? », suite à sa chronique du 7mai, à propos de la parution de « L’étrangère » de Valérie Toranian, récit dans lequel elle évoque la destinée de sa grand-mère rescapée, chronique intitulée : « Les p’tits papiers d’Arménie brûlent encore », où G.M.C. trouve encore l’occasion d’attaquer les Arméniens, en parlant par exemple « des hyènes qui tiennent les rênes du pouvoir à Erevan », sans faire bien entendu mention de la succession depuis un siècle de gouvernements turcs négationnistes, qui ont parachevé le génocide par la destruction de la plupart des vestiges arméniens sur le territoire de la Turquie. La parabole de la paille et de la poutre, en quelque sorte !

A mon étonnement, M.Martin-Chauffier répondit à ma lettre ouverte  (contrairement à vous, Monsieur Royant , qui n’avez pas daigné le faire suite à mes deux lettres du 26 février 2014 et du 4 juin 2015, dans lesquelles, photocopies de ses articles à l’appui, je vous mettais en alerte concernant les chroniques anti-arméniennes de G.M.C. Mais il est vrai que je ne suis pas le CCAF, organisation qui a son importance et vis-à-vis de laquelle on ne peut faire le sourd…). Dans sa lettre manuscrite, votre rédacteur prétendait qu’il « n’éprouve aucune haine pour les Arméniens », mais ajoutait-il, « c’est parce que je suis indigné, non par le devoir de mémoire des Arméniens, mais par l’insupportable prétention française à s’ériger en conscience morale universelle. ». Quel rapport avec les Arméniens ? Cela s’appelle tenter de noyer le poisson et prendre les gens pour des imbéciles ! 

A présent, venons-en au motif de cette troisième lettre ouverte, cette fois-ci directement à votre intention : la chronique de G.M.C. de cette semaine, intitulée : « Un empire bien Loti », à l’occasion de la parution de l’ouvrage présenté par Jean-Claude Perrier : Pierre LOTI : VOYAGES EN TURQUIE. Il s’agit essentiellement d’une compilation des  ouvrages pro-turcs de cet écrivain jadis à la mode donc influent, relatant ses efforts constants, jusqu'à la veille même de sa mort en 1923, avec à l’appui les citations de dizaines de lettres adressées à lui par des turcophiles, pour présenter les « pauvresTurcs » et leurs gouvernants comme les meilleures personnes au monde, contrairement à toutes les « médisances » des Arméniens, des Grecs et des Bulgares qui trompent l‘Europe en affirmant que les Turcs sont des massacreurs. C’est vouloir faire passer le loup pour un agneau, une constante dans tous ses textes ! (Demandez donc aux peuples des Balkans, y compris aux musulmans Albanais, ce qu’ils pensent des Turcs jusqu’à aujourd’hui, après les cinq siècles de la « Pax Ottomanica » qu’ils ont subi). Bien entendu, tous ces écrits mensongers sont pain bénit pour Gilles Martin-Chauffier qui approuve ouvertement la cause de Pierre Loti et qui conclut : « Cent ans après, en relisant ses articles de combat et les dizaines de témoignages qui les accompagnent, on comprend pourquoi la Turquie ne fera jamais confiance à l’Europe. » (re-sic !)

Pour vous édifier en ce qui concerne la mentalité haineuse à l’égard des Arméniens qui était celle de Pierre Loti, voici quelques extraits de son livre « La mort de notre chère France en Orient » publié en 1920, un ouvrage pleurnichard destiné à plaider la cause des Turcs après leur défaite et pour tenter d’éloigner les menaces qui pesaient sur eux, suite aux déclarations solennelles des Alliés s’engageant à mettre en jugement les organisateurs et les milliers d’acteurs du génocide. Dans le chapitre « Les massacres d’Arménie », ne pouvant nier l’évidence, Loti avoue, en édulcorant aussitôt la vérité : « Hélas ! oui, les Turcs ont massacré ! Je prétends toutefois que le récit de leurs tueries a toujours été follement exagéré et les détails enlaidis à plaisir » etc. Page suivante, comme pour justifier la haine des dirigeants turcs à l’encontre des Arméniens et justifier leur passage à l’acte : « je puis attester qu’à de rares exceptions près je n’ai rencontré chez eux que lâcheté morale, lâchage, vilains procédés et fourberie. Et comme je comprends que leur duplicité et leur astuce répugnent aux vrais Turcs, qui sont en affaires la droiture même ! ». (Ces propos ne sont-ils pas analogues à ceux proférés par les nazis à l’égard des Juifs, et d’ailleurs, il est maintenant admis que les Allemands – et le Bundestag l’a récemment reconnu – qui étaient les alliés des Turcs en 1914, sont passés du rôle de témoin-complice du génocide des Arméniens à celui de bourreau au cours de la guerre suivante. Il existe une déclaration d’Hitler qui l’atteste).

Page 396 : « … les Arméniens ayant été de tout temps les vers rongeurs de la Turquie, délateurs et calomniateurs professionnels, drainant à eux tout l’avoir des riches et même des plus pauvres, ne cessant d’ameuter toute la chrétienté contre la patrie ottomane, et du reste cruels massacreurs… ». Et avec quelles armes, on se demande, étant donné que les non-musulmans n’avaient pas le droit d’en porter ! Tout comme le mythe de « guerre civile » qui aurait opposé Turcs et Arméniens en 1915 et que les autorités d’Ankara continuent à propager jusqu’à nos jours pour échapper à leurs responsabilités, non-sens mensonger étant donné qu’on ne peut parler de guerre civile lorsqu’un des deux protagonistes est sans défense, mais de pogrom ou d’extermination. Dans son roman historique «  Les 40 jours du Musa Dagh », relatant pourtant un des rares actes de résistance de quelques milliers d’Arméniens finalement sauvés par la Marine française, Franz Werfel écrit : « les Arméniens ne pouvaient rien faire, car ils avaient pour ennemi leur propre Etat ».   

J’arrête là les citations tirées du livre dont l`auteur est si avantageusement présenté par votre rédacteur : il y en a pour plus de 700 pages édifiantes…

Pour conclure, suite à votre réponse adressée au CCAF, on peut constater que dans sa chronique de cette semaine, Gilles Martin-Chauffier a bien suivi votre recommandation de « ne pas heurter la communauté arménienne » : dans son texte, il n’y a pas le mot Arménien ! Il a tout simplement contourné l’obstacle en se faisant le laudateur du pire propagandiste qui n’a eu de cesse de nier ou d’édulcorer les crimes turcs perpétrés à l’encontre des Arméniens. Un peu comme si un auteur faisait le panégyrique d’un Drumont ou d’un Goebbels, mais sans prononcer le mot de juif ! Pas bête, n’est-ce pas? D’ailleurs, dans ma précédente lettre ouverte à son intention, je lui déclarais déjà : « Monsieur Martin-Chauffier, vous êtes le Pierre Loti du XXIe siecle.La boucl est bouclee et la succession assuree."

source :

Docteur  Claude Manoug  ATAMIAN                           le 21 décembre 2016