Cette histoire est une histoire comme on en voit ces jours-ci : la Cilicie ou quand la France a donné un bout de la Syrie à la Turquie

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Après la dislocation de l’Empire ottoman en 1918, les pays occidentaux ont la mainmise sur le Proche-Orient : la Syrie et le Liban sont placés sous mandat français.

Appartenant au Royaume d’Arménie, la Cilicie (Hatay en turc) est cédée à la Turquie par la France en 1923, date à laquelle la Turquie est devenue une république.

En 1878 à Berlin, les grandes puissances européennes invitent les Arméniens pour le premier partage de l’Empire ottoman. Les intérêts divergents de ces puissances laissent complètement de côté les intérêts des Arméniens, qui n’ont eu pour leur souper qu’une louche en papier, comme le disait le grand Khrimian Hayrig.

Par contre, en 1923, à Lausanne, les Turcs peuvent manger leur soupe avec une louche en argent.

Déportés et exécutés lors du génocide en 1915, les rescapés arméniens se réfugient en Syrie et au Liban.

La Cilicie tombe sous domination turque.

Afin de gagner la sympathie de la population en Cilicie où résident de nombreux Arméniens, les autorités turques décident d’organiser un référendum. Les Turcs chargent Suren (Sourène) Şamliyan d’en faire la propagande en leur faveur. Afin de mener à bien cette tâche,Suren Şamliyan s’adresse au prélat de l’église arménienne Mgr. Aslanyan, mais ce dernier refuse catégoriquement la demande. Très déçu, Suren Şamliyan en fait part aux autorités turques.

Supportant mal ce camouflet, les autorités turques décident éliminer Mgr. Aslanyan. Cette information est interceptée par un pharmacien arménien, Mihran Bursalyan qui effectue son service militaire comme officier dans l’armée turque. Pour sauver la vie de Mgr. Aslanyan, il organise une exfiltration vers la Syrie, ayant caché le prélat dans un cercueil en le faisant passer comme mort à la frontière avec la Syrie.

Malgré de multiples recherches, les autorités turques ne retrouvent pas la trace de Mgr. Aslanyan. Cette anecdote est réelle, elle m’a été racontée par Mihran Bursalyan, dont le fils Hampartzoum était mon camarade de classe au lycée des pères Mekhitaristes d’Istanbul.

La Cilicie est bel et bien devenue une province turque, mais la Syrie n’a jamais reconnu cette région limitrophe. En observant des faits de cette importance, on peut se révolter, mais avons-nous le droit de juger l’homme qui fut utilisé par le pouvoir comme un simple instrument politique?

À cette époque, il est très difficile pour un gâvur (prononciation gyavour signifiant infidèle pour les musulmans) de s’exprimer ouvertement en Turquie. Après la seconde guerre mondiale la presse arménienne est muselée, les dirigeants des journaux comme NOR OR et AYSOR sont arrêtés. Les geôles turques accueillent de nombreux de directeurs de presse et des intellectuels arméniens comme Avedis Alexanyan, Aram Pehlivanyan, Hayg Açikgöz, Barkev Şamikyan, Zaven Biberyan, Vartan Ihmalyan, Nubar Acemyan, Jak Ihmalyan et beaucoup d’autres. L’assassinat de Hrant Dink en 2007, directeur du journal AGOS d’Istanbul, n’est-il pas la perpétuation de cette politique des autorités turques qui perdure depuis des années ?

Nersès Durman-Arabyan

Paris 17 Mars 2017

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